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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 29 décembre 1854, vendredi après midi, 2 h.

Fouyou ronfle, Suzanne souffle dans sa trompe, la marée monte et moi je vous attends imperturbablement. Il est probable que je vous attendrai longtemps, mon cher petit Toto, pour peu que vous ayez mis le nez dans la malle aux gribouillis ? Je le crains d’autant plus qu’ayant votre incendié Aubin [1] à dîner je vous verrai à peine encore aujourd’hui. Je ne grogne pas mais je signale un état de chose et de cœur embêtant, pour vous démontrer l’urgence d’un rabiboDiaz [2] monstre pour mes étrennes. Quant à celui des petits Préverauda il viendra quand il pourra : primi mi [illis.] et la bouteille à l’encre pour tous, telle est ma devise. Cela me fait penser que je me suis coupée deux ou trois fois hier avec l’imbroglio de la brodeuse de convention. Du reste le premier essai du V portant son hache à bras tendu a assez bien réussi. Quant à Falstaff je doute qu’on en puisse tirer parti dans l’état pochardé où il se trouve mais ce à quoi je tiens avant tout c’est à vous faire faire vos propres mouchoirs chinois dans la perfection [3] Les miens seront ce qu’ils pourront, pourvu que les vôtres soient réussis je serai contente.
Si vous aviez pour deux liards de nez vous sentiriez le magnifique lièvre qui vous tend les pattes d’ici et vous vous empresseriez de le confier à la sollicitude éclairée et épicée de votre cuisinière. Mais vous ne devinez rien de rien, pas même l’impatience faisandée que j’ai de vous voir. Telle est votre force ; elle est faible j’ose le dire et même l’écrire, au risque de blesser votre susceptibilité d’homme, d’amoureux, de goinfre, d’artiste et de poète avec laquelle j’ai l’honneur d’être votre toute Juju des pieds à la tête.

BnF, Mss, NAF 16375, f. 442-443
Transcription de Chantal Brière

a) « Préverault ».

Notes

[1Dans sa lettre du 10 novembre Juliette parle du « désastre arrivé au frère des Asplet », c’est-à-dire l’incendie de sa ferme. C’est probablement de cet homme qu’il s’agit.

[2Déformation de « rabibochage ».

[3Ce « premier essai » correspond à un dessin conservé dans un album de Juliette Drouet (Maison de Victor Hugo, acquis en 1988, inv. n° 1504), au folio 16 (https://www.parismuseescollections.paris.fr/maison-de-victor-hugo/oeuvres/etude-d-initiales-jd-et-vh), où l’on reconnaît le « V portant son hache à bras tendu » et le « Falstaff » ventripotent des initales « JD ». Hugo a pris soin d’indiquer le coin des mouchoirs [Remerciements à Gérard Audinet].

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