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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 janvier [1843], jeudi matin, 11 h. ¼

Vous voyez bien mon cher adoré que vous n’êtes pas revenu. Vous êtes un affreux blagueur, voilà tout ce que vous êtes.
J’ai un mal de tête fou ce matin. Je l’avais déjà hier au soir mais je n’ai pas voulu te le dire, mon cher petit homme, pour ne pas troubler ton souper. C’est si gentil de te voir manger avec bon appétit que je me serais bien donné de garde de te troubler par mes gémissements. Mais le fait est que je souffrais et que je souffre beaucoup de ma tête. Le temps est beau ce matin ; si tu viens me chercher pour me faire sortir, je ne demande pas mieux, mon cher petit bien-aimé. Si tu ne profites pas de ce beau temps du jeudi et de l’espèce de liberté que tu as dans ce moment, tu ne le pourras plus après que les répétitions seront reprises. Je te dis cela mon Toto un peu pour l’acquita de ma conscience car je sais bien que lorsque tu liras ces gribouillis, il ne sera plus l’heure de me faire sortir. Je tâcherai d’avoir du courage jusqu’au bout mon adoré petit homme, pour ne pas te tourmenter et puis, dès que ta pièce sera jouée et ta fille mariée, tu me rabibocheras de tous mes ennuis et tu me guériras ma pauvre tête. En attendant il n’y faut pas songer et j’en fais le sacrifice de bon cœur si cela peut contribuer à bien faire jouer ta pièce. Il serait bien à désirer que Mme Mélingue [1] pût être engagée. Sans cela je ne vois pas comment tu feras. Il faut espérer, puisque cette dame et le théâtre sont résolus à payer le dédit tout entier, que rien ne s’opposera à son engagement. Mais tant qu’il ne sera pas signé, tant qu’elle ne répètera pas le rôle, je ne serai pas tranquille. Je t’aime mon Toto bien-aimé, je t’aime, c’est ce qui me fait prendre tant à cœur tout ce qui t’intéresse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 77-78
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « acquis ».


26 janvier [1843], jeudi soir, 5 h.

Je vais te voir tout à l’heure mon Toto, car il me semble que les séances de l’Académie ne se prolongenta pas au-delà du jour ? C’est bien le moins que je te voie quelques minutes dans la journée puisque je suis à tout jamais privée du bonheur de vivre avec toi dans la vie naturelle.
Je continue à avoir un mal de tête absurde. Pour le calmer j’ai les cris de Cocotte et les hurlements de Suzanne, ces deux personnages crient à qui mieux mieux sous le prétexte ingénieux de faire la conversation mais en réalité c’est pour faire le plus de bruit possible. Je pourrais les faire taire ou du moins l’essayer mais j’ai pitié de ces deux bêtes et je les laisse faire au risque d’en devenir sourde.
Puisque tu ne peux pas me faire sortir, mon amour, ce que je comprends du reste, tu devrais me donner toutes tes nuits. Cela me mettrait du baumeb dans mes épinards et cela compenserait la stérilité de mes journées. Si tu n’y prends pas garde, mon Toto, je t’assure que cette réclusion prolongée me jouera un mauvais tour très prochainement. Maintenant que tu es averti, je ne te dirai plus rien, tant pire, ça te regarde. En somme tu seras bien débarrassé et c’est peut-être ce que tu désiresc. Sur ce baisez-moi et aimez-moi si vous pouvez.
Jour Toto, jour mon cher petit o, j’ai bien mal à la tête, je ne sais plus ce que je dis mais je sens que je t’aime plus que jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 79-80
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « prolongent ».
b) « beaume ».
c) « désire ».

Notes

[1Mme Mélingue, après Mlle Maxime et Mlle Fitz-James, est proposée pour le rôle de Guanhumara, qu’elle obtiendra.

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