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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 janvier [1843], mercredi après-midi, 2 h. ½

Je viens de faire l’addition des gilets flanelle et façon comprises, cela les met à 10 francs 15 sous 9 liards chaque. Ce que je prouverai à ma blanchisseuse tout à l’heure facture en main. Nous avons acheté les modèles 10 francs pièce, mais il y a une immense différence dans la qualité et dans la grandeur de ceux que nous avons fait faire qui compense trois ou quatre fois les 16 sous qu’il y a en plus pour chacun d’eux. Voilà mon petit bien-aimé, avec le compte du linge, tout ce que j’ai fait depuis que tu es parti et je ne me suis pas amusée.
Maintenant j’ai ta tisanea et ma toilette à faire, mais ce ne sera pas long car j’ai peu de goût à m’habiller, étant sûre, comme je le suis, de ne pas sortir et de ne pas te voir d’ici à minuit peut-être. Cet abandon dans lequel je vis me donne une apathie et un découragement de tout fort triste, mon pauvre ange. Si je ne savais pas que ce n’est pas ta faute, si je n’avais pas l’espoir de faire un voyage au beau temps et si je ne croyais pas que tu m’aimes, je m’en iraisb crever dans quelque trou perdu comme une bête fauve malade. Tu ne peux pas te figurer, mon pauvre ange, combien ces deux années si stériles pour notre bonheur m’ont vieillie et m’ont abrutie. Je sens que si tu ne viens pas à mon secours bien vite, si nous ne voyageons pas, si nous ne sommes pas au moins deux ou trois mois au régime de l’amour le plus tendre et le plus passionné, comme je le ressens, que j’en deviendrai folle si je n’en meurs pas. Ce ne sont pas des exagérations que je te dis là, mon bien-aimé, c’est la vérité bien adoucie et bien ménagée pour ne pas t’effrayer. Mais je compte sur toi, mon cher adoré, plus que sur le bon Dieu. Tu auras pitié de nous deux et tu nous donneras au printemps un bon petit voyage bien long. S’il était aussi long que mon amour, il ne finirait qu’avec lui. Mais, hélas ! Je n’en demande pas autant et si j’ai deux mois bien pleins je serai la plus heureuse des femmes.
En attendant, j’en suis la plus seule et la plus triste. Tâche de venir bien tôt, mon amour, et pense à moi avec regret et avec tendresse. Je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 55-56
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « tisanne ».
b) « irait ».

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