16 septembre [1846], mercredi soir, 8 h. ¾
Je ne t’avais pas encore écrit, mon bien-aimé, quand tu es venu. Les affaires de l’emballeur, la blanchisseuse, le peignage à fond et mille autres trifouillisa m’en avaient empêchée. Au reste, je ne perds pas pour attendre et je sais très bien me rabibocher à l’occasion. C’est comme vous avec les jeunes et jolies reverchonnes. Que je vous y prenne et puis vous verrez de quelle giroflée à cinq feuilles [1] il retourne. Si vous croyez que je regarderai cela avec l’impassibilité d’un mouton à roulettes, vous vous trompez du tout au tout. J’ai de bonnes griffes et un petit couteau qui est encore plus vélimeux que le grand Eustache [2] que je vous ai donné. Avec tout ça il va falloir que j’aille chez mon commissaire si ce gredin d’emballeur a égaré cette caisse et s’il se refuse à faire les démarches nécessaires pour la retrouver. Cela m’amusera médiocrement et j’aimerais mieux un divertissement plus drôle. Encore si tu pouvais me donner une lettre de recommandation pour le susdit commissaire, mais je comprends, que de reste, que c’est trop au-dessus de votre [majesté ?]. Enfin j’irai seule et sans autre appui que ma bonne foi et mon nez de carton. Ce sera grotesque mais honnête. Trop heureuse si on ne me condamne pas à trois mois de police correctionnelle et à cinquante mille francs d’hommage et intérêt envers l’intéressantb filou patenté dont j’ose suspecter la candeur. Tout cela est sombre et surtout fort embêtant. J’ai bien besoin que vous veniez reverchonner avec moi le plus tôt possible. En attendant, je vous baise depuis pater jusqu’à amen.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16364, f. 133-134
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « triffouillis ».
b) « intéressant ».