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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 septembre [1846], lundi après-midi 3 h. ¼

Je viens de jeter la maladie aux orties, mon cher adoré, et à l’heure qu’il est je n’ai pas d’autre infirmité que votre absence qui menace de devenir incurable pour peu que cela continue encore longtemps. Hélas ! que ne puis-je faire d’elle ce que je fais de ma douleur, c’est-à-dire la secouer et n’y plus penser. Décidément l’absence est la pire de toutes les maladies. Ce matin je m’étais levée toute souffreteuse et toute découragée et je m’étais mise tristement le dos au soleil en attendant le médecin ; mais voilà que petit à petit, cette espèce de brûlure que je me faisais volontairement a cuit mon mal et l’a presque [dissipé ?]. Cependant pas assez tôt pour que le Triger ne m’ait pas trouvée dans mes geigneries et pour qu’il n’ait pas cru devoir revenir après-demain et m’ordonner pour aujourd’hui une nouvelle friction avec la perspective de sangsues et de ventouse pour jeudi. Mais comme je viens de te le dire, les choses sont bien changées depuis tantôt et j’ai l’intime conviction que ce n’est que rhumatismal. Or je puis très bien endurer cette douleur du moment où elle ne m’inquiète pas, et j’en endure tous les jours de beaucoup plus fortesa sans me plaindre et sans y prêter la moindre attention. Je voudrais bien être aussi héroïque quand il s’agit de vous attendre, malheureusement tout mon courage et toute ma philosophie ne m’empêchent pas de trouver le temps mortellement long et de m’ennuyerb à la mort loin de toi. Dans ce moment-ci j’en suis là et je donnerais ma vie pour moins que rien tant elle me pèse. Cher bien-aimé je te demande pardon de t’aimer trop mais je ne pourrais pas t’aimer moins jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 129-130
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « forte ».
b) « ennuier ».

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