Paris, 10 juin 1880, jeudi soir, 4 h.
Cher bien-aimé, il commence à pleuvoir, mais j’espère que la pluie cessera en même temps que mon gribouillis, et que nous pourrons faire notre promenade tout de même entre deux ondées. Je guette le moment de la rentrée de Mme Lockroy et du cher petit Georges, non pas que je sois inquiète absolument de sa santé, mais je serais bien contente si le docteur Sée change en entière sécurité la vague inquiétude que me cause la croissance trop hâtive de ce cher et doux enfant. Il faudra tâcher de régulariser un peu nos habitudes de déjeuner et de dîner afin que cette régularité seconde son hygiène en même temps que son plaisir, et qu’il ne risque pas d’attrapera des pleurésies en courant après des moments de récréation perdus à attendre le déjeuner. Enfin, mon cher petit homme, je ferais mieux, puisque tu es là, de cesser mon gribouillis qui ne t’apprend rien, et qui [ne] m’empêche pas de te dire de vive voix que je t’aime, que je te souris, que je t’adore et que je te bénis. C’est ce que je fais tout de suite pour mettre mon mantelet, mon chapeau, mes clics et mes clacs pour courir la prétentaine [1] avec toi au nez, et la pluie du ridicule Saint Médard. [2]
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 154-155
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin
a) « attrapper ».