Paris, 26 mars 1880, vendredi matin, 7 h. ½
Cher bien-aimé, je viens de te laisser en bonne disposition de sommeil, et j’en ai profité en t’embrassant sournoisement sur le bout de l’oreille. Tout à l’heure, j’irai refermer ta fenêtre que j’ai laissée ouverte le temps de renouvelera l’air de ta chambre. Entre temps, comme disent les Belgiquois [1], je me plais à croire que tu as passé une très bonne nuit. En même temps, hélas ! j’apprends que tout ton cher groupeb d’en haut [2] ne déjeunera ni ne dînera avec toi aujourd’hui. Cette privation te sera très dure, je le sens par moi-même, mais il faut la prendre avec résignation, en reconnaissant que les écoliers ont droit aux vacances de Pâques avec toutes leurs conséquences : promenade variées, spectacles idem, repos de corps, concerts, bals et jardin d’acclimatation partout et ailleurs. Pour animer quelque peu notre tête-à-tête de morue, j’envoie prier les bons Lesclide de partager notre maigre dîner. J’étends même l’invitation aux deux inséparables Talmeyrc [3] et Gassier. J’espère que tu m’approuveras d’avoir pris cette initiative avant de t’en avoir parlé, mais je craignaisd que Lesclide ne soit déjà parti quand je pourrai te le demander. Et toujours du soleil ! Et toujours mon amour ! Avec cela, on devrait pouvoir ajouter : et toujours le bonheur ! Malheureusement, il faut encore beaucoup d’autres choses dont je ne dispose pas, mais que je te souhaite de tout mon cœur qui t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 85
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin
a) « renouveller ».
b) « grouppe ».
c) « Talmeir ».
d) « craindrais ».