Paris, 30 janvier 1880, vendredi matin
Mon cher bien-aimé, j’espère que le triste incident d’hier ne se renouvellera pas, et que nous en tirerons, au contraire, le sage conseil qu’il contient, qui consiste à écrire toi-même au fur et à mesure l’argent que tu me donnes pour la dépense générale de ta maison. Cela t’évitera des erreurs regrettables de mémoire et à moi de bien douloureuses susceptibilités. Sans vouloir récriminer, mon cher bien-aimé, j’ai vérifié ce matin, pour mes dépenses personnelles réunies aux dons que tu me fais annuellement au jour de l’an, à ton jour de naissance, à ta fête et à la mienne, l’exactitude de mon calcul approximatif que je t’ai fait hier, qui varie entre mille et douze cents francs, selon que j’ai eu besoin de linge et de flanelle.
Je t’ai prié plusieurs fois de m’allouer cette somme mensuellement pour t’épargner, de ce côté-là, toute préoccupation et toute suspicion. Je te renouvelle cette prière, cette fois encore, espérant que, par dignité de toi à moi, tu me l’accorderas. Dans tous les cas, mon cher bien-aimé, je t’aime je t’aime, je t’aime.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 31
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin