Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1845 > Novembre > 29

29 novembre [1845], samedi, 9 h. ¾

Bonjour, mon adoré, bonjour, mon Victor le plus doux, le plus indulgent, le plus ravissant et le plus charmant des Toto, bonjour, je t’adore. Je viens de faire pour toi ce dont je ne me croyais pas capable, c’est-à-dire de pardonner à cette fille. Hélas ! ce n’est toujours que pour mieux sauter, mais enfin je n’ai pas voulu qu’il soit dit que je n’ai pas fait humainement tout ce que je pouvais pour conserver et pour civiliser cette fille. Elle m’a promis qu’elle ne recommencerait plus, mais je sais ce que c’est que ses promesses. Je sais aussi que l’approche du jour de l’an est pour beaucoup dans son repentir. Quoi qu’il en soit, voilà ce ressoudage fait tant bien que mal, trop heureuse si tu l’approuves et si tu y vois ce qui est, c’est-à-dire la preuve que je t’aime plus que ma vie.
Comment vas-tu, mon cher amour adoré ? Bien, n’est-ce pas ? Voilà un temps charmant et fait pour toi, mon ravissant petit Toto. Tu pourras marcher à ton aise et promener ton cher petit nez au vent sans te préoccupera de la pluie et de la boue. Quant à moi, si aujourd’hui avait pu être jeudi, je serais allée voir ma péronnelle uniquement pour marcher. Quand je dis uniquement, c’est une manière de parler, car outre le besoin que j’ai d’embrasser cette grande fille, j’ai celui de savoir ce qui se passe à la pension. Et puis je t’aime, toi. Bonjour, je t’adore. Baise-moi et viens tout de suite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 191-192
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « préocuper ».


29 novembre [1845], samedi soir, 6 h. ¾

Quelle longue journée, mon Victor, et combien elle me pèse. J’espérais que tu serais d’autant plus venu que tu me savais ennuyéea par cette stupide algarade d’hier. Il est vrai, pauvre amour, que tu as bien d’autres préoccupationsb et d’autres affaires en tête, aussi je comprends ton absence sans pouvoir m’y habituer. Mon Victor adoré, mon Toto, mon amour chéri, ma vie, mon âme, je souffre loin de toi, car tu es ma lumière, ma joie, mon soleil et mon bonheur. Quand donc seras-tu auprès de moi ? J’ai le cœur si gros, si gros, qu’il me semble qu’il ne peut plus tenir dans ma poitrine. Je t’aime mon Victor. Tu es beau, je t’adore.
Mme Triger sort d’ici il n’y a qu’un instant. Elle m’a apporté la superfine bouteille de vin. Je ne l’ai pas invitée à dîner pour demain parce que j’avais donné congé à Suzanne dès hier matin pour aller chez sa cousine. Ce sera pour une autre fois. Du reste, elle m’a dit que M. Démousseauc l’avait chargée de mille compliments pour toi et pour moi avec toutes sortes de protestations de dévouement que je crois très sincères pour ma part. Voilà la seule visite que j’ai eued aujourd’hui. J’en excepte la couturière qui m’a envoyé ma robe ce matin. Je l’ai payée tout de suite parce que je n’ai plus rien à faire faire et que je sais que tu ne veux pas de mémoire. J’ai payé aussi les deux semaines d’Eulalie. Pour tout cela je prends à même le sac. Tu feras très bien de l’emporter ce soir si tu ne veux pas que je le mette à sec tout de suite. Et tu feras encore mieux de venir le dépenser avec moi en CULOTTES ÉCHEVELÉES. Hélas ! ils ou elles sont passés ou passées, ces jours de fêtes et de bonheur et de culottes éblouissantes. Ils et elles ne reviendront jamais, j’en ai bien peur, ce qui ne m’empêche pas, au contraire, de t’aimer plus que jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 193-194
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « ennuiée ».
b) « préocupations ».
c) « Démousseaux ».
d) « que j’aie eu ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne