13 août [1842], samedi matin, 9 h. ½
Bonjour mon cher bien-aimé adoré. Bonjour je t’aime, comment vas-tu, comment va ton enfant [1] ? Je baise ta chère petite main droite pour la guérir. [2] Je t’aime de toute mon âme pour t’empêcher d’être trop triste et trop malheureux. Mon cher adoré, ne te tourmente pas sur ton enfant ni sur toi. Je t’assure que vous allez guérir tous les deux tout de suite. Je te promets d’être bien raisonnable de mon côté et de ne faire aucune folle dépense. Tu verras que je tiendrai ma promesse. Et puis, quand vous ne serez plus malade, mes deux petits amis, que nous serons tous tranquilles et heureux, je me donnerai des culottes les unes sur les autres comme le paysan de Franconi [3]. Des Marronniersa, [4] des assiettes, des petites théières, des fleurs tout plein mes fenêtres et de l’amour plein mon cœur, de votre amour à vous, car pour le mien il est toujours là qui me déborde de tous les côtés. En attendant, je serai bien patiente, bien résignée et bien courageuse, du moins j’y ferai tout mon possible. Soigne-toi, mon cher adoré, fais bien avec précaution tout ce que te dit M. Louis et embrasse pour nous deux le cher petit malade. Je baise ta pauvre petite main droite.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16350, f. 49-50
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette
a) « maronniers ».
13 août [1842], samedi après midi, 2 h. ½
Mon Toto je pense à toi, mon Toto je t’aime, mon Toto je t’attends, mon Toto je te désire de toute mon âme. Ne tarde pas à venir et si tu n’as rien d’impérieux qui te retienne. J’ai hâte de savoir comment ton petit enfant a passé la nuit et comment va ta pauvre petite main aujourd’hui. Il paraîtrait que le coiffeur s’est trompé hier et qu’il avait lu une vieille affiche dans ce quartier et non l’affiche du jour à la Porte-Saint- Martin comme je le croyais. Tu auras eu sans doute la visite de Mme Dorval et j’espère que vous vous serez tenus décemment tous les deux ? Vous savez que lorsqu’il s’agit de femelle quelconque, je ne suis jamais tranquille et à plus forte raison lorsqu’il s’agit de celle-là. Tâchez d’être très sage si vous ne voulez pas faire connaissance avec mon grand couteau.
Mais j’y pense, mon cher petit sournois, c’est peut être aujourd’hui la distribution des prix à la Sorbonne [5] ? Si cela est je vous prie de penser à moi, si seule dans mon coin et si bien toute à vous, et de ne pas regarder les mères, les filles, les sœurs, les tantes, les cousines de tous ces petits goistapioux. Je vous en prie bien mon Toto, à moins que vous ne teniez à me mettre au désespoir. Maintenant baisez-moi et venez bien vite me dire comment vous allez.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16350, f. 51-52
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette