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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 août [1845], mardi matin, 6 h. ¾

Bonjour, mon aimé, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour, comment vas-tu ce matin ? As-tu passé une bonne nuit ? Te verrai-je un peu aujourd’hui ? J’espère que oui et j’espère aussi que tu n’auras pas lu ma lettre si méchante d’hier au soir [1]. Si tu savais ce que je souffre quand je t’écris ces lettres insensées, tu m’excuserais et tu me plaindrais et tu m’aimerais de tout ton cœur pour me rendre la raison et le courage qui me manquent dans ces affreux moments-là. Cher bien-aimé, à force de t’aimer j’en deviens féroce. Cependant je veux que tu fassesa ce que dit M. Louis. Il ne faut pas en effet commencer l’hiver avec un reliquat d’inflammation. Il faut à tout prix te débarrasser du point douloureux que tu as dans ton pauvre petit ventre. Moi je ferai comme je pourrai pendant ces huit jours-là [2]. L’important est que tu sois guéri et bien guéri. Pour m’aider à franchir ces éternels huit jours, tu m’écriras une petite lettre tous les jours. De mon côté, je t’en écrirai le plus possible. De cette façon j’arriverai peut-être au terme de ces huit siècles sans accident sérieux. En attendant, il faut tâcher de me donner le plus de temps, c’est-à-dire de bonheur possible pour que j’en puisse faire une bonne petite provision pour le moment où il me manquera tout à fait. Je t’aime, je te baise, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 194-195
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu fasse ».


26 août [1845], mardi soir, 6 h. ½

Cher petit filou, vous m’avez encore escamoté mon bonheur de ce soir sous prétexte que vous êtes venu un moment ce matin. Jamais vous ne faites autrement. Il vous est impossible de me donner deux gouttes de bonheur dans la même journée. Hum ! si j’osais, comme je serais méchante et comme je vous dirais des vilaines choses ! Mais je ne l’ose pas, non par pitié pour vous, mais pour moi à qui cela fait un mal affreux de les penser et de vous les dire.
Mon cher petit homme, j’ai vu Louise [3] tantôt. Elle m’a tant priée d’aller avec elle et sa sœur Julie [4] demain à la distribution, elle m’a tant dit que cela ferait un grand plaisir à Claire, qui n’avait pas osé me le demander, que j’ai presque promis que j’irai. Je dis presque parce que je veux te réserver le droit de dire non au dernier moment si tu le juges convenable. Je t’assure que tu ne trouveras aucune résistance de ma part ni aucune mauvaise humeur. Mon bonheur, c’est de te plaire et de ne te contrarier en rien. Hélas ! j’ai une affreuse crainte que tu ne viennes pas ce soir, non pour la chose en question, mais pour moi, pour mon cœur, pour ma joie, pour mon amour, pour mon bonheur. Ô, mon Victor, ne fais pas une chose comme cela si tu ne veux pas que je sois horriblement triste. Je t’en prie de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 196-197
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Cette lettre du 25 août au soir, à notre connaissance, n’a pas été conservée.

[2Victor Hugo s’absente plusieurs fois dès le début du mois de septembre. Différentes hypothèses s’offrent pour expliquer ce projet de voyage : soit il pensait aller rejoindre sa famille qui séjourne à Saint-James du 12 septembre (environ) au 21 octobre 1845, ce qu’il fera ponctuellement ; soit il prévoyait de s’absenter pour une autre raison, comme tenter de voir Léonie Biard lors de son changement de couvent début septembre. Si l’on cumule ses déplacements (du 1er au 2 septembre au soir ; du 4 au 5 septembre au soir ; du 8 au 10 septembre ; du 18 au 19 ou 20 septembre et du 22 au 23), il fut absent onze ou douze jours.

[3Louise Rivière.

[4Julie Rivière.

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