7 août [1845], jeudi matin, 8 h.
Bonjour, mon bien-aimé, comment as-tu passé la nuit ? Comment te sens-tu ce matin ? Cette vilaine douleur a-t-elle enfin tout à fait disparua ? Seras-tu tout à fait guéri demain ? J’ai besoin de l’espérer pour ne pas être méchante aujourd’hui. Tu m’as promis, mon Victor bien aimé, de passer plusieurs heures avec moi demain. Je compte sur ta promesse. Ce serait bien mal à toi si tu ne la tenais pas. J’attends ta chère petite lettre tantôt [1]. Tâche de me l’envoyer le plus tôt possible. C’est en elle seule que j’espère pour me donner du courage et de la patience jusqu’à demain.
Il faut que j’écrive absolument à M. Alboize aujourd’hui. C’est une corvée que j’abomine et dont je voudrais déjà être délivrée. Il me semble qu’il aurait été plus simple qu’il t’écrivît à toi-même directement. De cette façon je n’aurais pas eu l’ennui de lui répondre. Autant j’ai du plaisir à te griffouiller tout ce qui me passe par le cœur et par la tête, autant j’ai horreur de ce qui a forme de lettre pour n’importe quoi et à n’importe qui. Ce n’est pas de ma faute mais c’est ainsi. Enfin il faudra bien que je me décide tout à l’heure à avaler cette pilule. Heureusement que je suis à jeun.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, vous ne me dites pas si l’autre petit Toto a été heureux en Histoire. Vous savez pourtant bien qu’après vous, c’est ce qui m’intéresse le plus au monde. Ce pauvre cher enfant, s’il n’a pas réussi, ce ne sera pas faute de l’avoir désiré et de l’avoir demandé au bon Dieu. Du reste, et à part le petit triomphe officiel, il a fait un fameux tour de force et d’application pour en être arrivé au point où il est, après deux ans d’interruption [2]. Baise-le pour moi et dis-leur que je lui donne tous les premiers prix et dis-toi que je t’adore parce que tu es mon cher amour ravissant.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16360, f. 116-117
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « disparue »