Guernesey, 4 avril 1860, mercredi matin, 7 h. ¾
Bonjour, mon Victor bien-aimé, bonjour, que le bon Dieu te donne aujourd’hui joie, santé, bonheur, soleil, mais je me charge de t’aimer de toutes mes forces, de tout mon cœur et de toute mon âme.
En attendant que nous prenions nos places dans le railway d’URANUS [1] je crois que voilà un temps qui te permettra de faire le tour de la planète Guernesey en compagnie de ton hôte [2] et de ta famille. Je souhaite, mon bien-aimé, que tous les sourires de la nature, que tous les chants d’amour et toutes les effluves bienfaisantes du printemps t’accueillent en passant mon adoré et te parlent de moi et te racontent mon cœur depuis un bout jusqu’à l’autre. Je voudrais que tous les plaisirs et tous les bonheurs t’arrivent à travers ma pensée qui, elle, ne se sépare jamais de toi. Peut-être profiterai-je de ton excursion pour aller avec Suzanne acheter un balai, une pelle et une bêche et pour moi, une brosse à dents et du savon de toilette. Mais je n’ai pas encore pris mon parti et j’aimerais mieux que, sans aucune privation pour toi, un incident quelconque nous fasse passer ensemble la journée. Je le désire sans l’espérer, en attendant je t’adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16381, f. 71
Transcription de Claire Villanueva