Guernesey, 10 mars 1860, samedi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, comment allez-vous ce matin ? Si ma santé peut contribuer à la vôtre, mon cher bien-aimé, je vous dirai que je vais tout à fait bien ce matin et que je vous aime de toute mon âme. J’espère vous me rendrez tout cela en réciprocité ou sinon je vous ficherai des coups. En attendant j’espère que la paix est définitivement faite, paraphée et contresignée entre ton Charles et sa petite tante [1] et qu’ils vont marcher ensemble sur le veloursa de la douce réconciliation et de la bonne union de famille. J’en serai ravie pour ces deux braves cœurs qui ne demandent qu’à s’aimer et surtout pour toi qui as tant besoin de savoir tout le monde content et heureux autour de toi. J’attends pour reprendre ma part de bonheur hebdomadaire le retour de ta femme avec quelque impatience [2]. Jusque-là je tire le plus que je peux sur tes soirées tout en me reprochant de n’avoir pas la générosité de te les laisser tout entièresb. Mais je n’en ai pas le courage. Te voir c’est plus que ma joie, plus que mon bonheur, c’est ma vie même. Dans le jour, dans la nuit, que je veille ou que je dorme, je n’aspire qu’à une chose : te voir, vivre avec toi, et le plus près de toi possible.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16381, f. 46
Transcription de Claire Villanueva
a) « velour »
b) « toute entière ».