Guernesey, 23 février 1860, jeudi soir, 6 h. ¾
Cher bien-aimé, je suis heureuse du retard de mon dîner qui me permet de donner pâture à mon âme qui est insatiable de toi. À peine as-tu quitté le seuil de ma maison que mon cœur te cherche et que ma pensée recourta après toi. Ce matin voulant me lever de bonne heure dans le cas où Asplet [1] arrivant aurait eu l’idée habituelle de venir me voir en débarquant et craignant qu’il ne me trouvât dans un déshabillé trop sommaire je me suis privée de ma chère restitus mais je prends ma revanche ce soir trop heureuse de profiter de l’absence de ma soupe.
Cher adoré quelle joie, quel printemps, quel bonheur de reprendre nos douces promenades traditionnelles. Il me semble que cela me rajeunit de vingt-sept ans et que mon amour est en pleine floraison. C’est bien vrai mon adoré que je ne t’ai jamais plus ni mieux aimé qu’à présent et que je ne regrette rien de notre passé et que j’ai la sainte espérance de notre radieux et immortel [amour ?].
Juliette
BnF, Mss, NAF 16381, f. 32
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « recours ».