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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 juillet [1844], mercredi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon cher amour, comment que ça va ce matin, mon doux bien-aimé ? Moi, je suis abrutie. Vraiment, je crains que ces maux de tête si continuels et si violents ne finissent par me rendre imbécilea tout à fait. Tu ne peux pas te figurer à quel point je souffre depuis hier. [J’ai ?] presque envie d’essayer l’huile de fourmis, si je savais combien cela coûte et où cela s’achète, j’en enverrais chercher car je suis comme une pauvre âme damnée.
Clairette est partie ce matin à sept heures, c’est Lanvin qui est venu la chercher. À propos de Lanvin, je voudrais que tu passes lui donner quelques vieilles défroques dont il ne peut manquer d’avoir le plus pressant besoin. Tu sais, d’ailleurs, que c’est avec cela que je l’indemnise de son temps perdu et de sa peine. Et puis, pendant que j’y suis, je te dirai que j’ai eu la visite de la Pénaillon qui venait me prier de penser à elle quand je pourrais. En même temps, elle m’a remis la note de ce que je lui dois : le mantelet et tout compris, cela se monte à 108 F. 6. Je ne lui ai pas assigné d’époque fixe, tu verras ce que tu veux faire. Eulalie est venue ce matin. Il paraît qu’il y a eu vraiment beaucoup de personnes blessées et étouffées à cette fête1. Je bénis le ciel de t’avoir inspiré de n’y pas aller car nous aurions eu peut-être le même sort. Heureusement que tu es la prudence même. Aussi, je suis tranquille quand je suis avec toi ; pourquoi y suis-je si peu souvent ? Hélas !… Ne parlons pas de cela, c’est trop triste. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 318-319
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « imbécille ».


31 juillet [1844], mercredi soir, 4 h. ¼

Tu m’oublies, mon Toto, mais moi, je t’aime, je te désire et je t’attends avec une ardeur et une constance dignesa d’un meilleur sort. Ce vilain temps m’attriste et me donne de l’inquiétude, je crains que tu ne sois malade. Je donnerais tout au monde pour te voir et pour être rassurée. Mon pauvre bien-aimé, ma vie, mon ange, ma joie, je t’aime bien, va. Si tu voyais mon cœur, tu en serais bien sûr. Les minutes loin de toi me paraissent des heures et les heures des minutes quand je suis auprès de toi. Cette comparaison n’est ni bien nouvelle ni bien ingénieuse mais je t’assure qu’elle exprime juste ce que je sens. Je ne te demande pas à sortir ce soir car j’ai toutes les peines du monde à mettre un pied devant l’autre dans ma chambre. Je souffre horriblement et de partout. Je ne m’en inquiète pas autrement parce que je sais à quoi cela tient et que j’espère être guérie demain mais le présent est dur à arracher. Je continue à avoir des apparitions de maçons dans mes [illis.], ce qui me plaît médiocrement ; j’aimerais mieux autre chose si c’était possible. Enfin, c’est comme cela.

10 h. ¼

Je t’aime, je t’aime. Je t’aime, mon Victor adoré, je voudrais mourir pour toi. Je pense à toi toujours, je te désire toujours. Hélas et je t’attends toujours… Je t’adore toujours.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 320-321
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « digne ».

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