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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 avril [1844], dimanche matin, 9 h. ½

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon amour bien aimé, bonjour, je te baise depuis la tête jusqu’aux pieds. Comment vas-tu ce matin ? Penses-tua un peu à moi, me désires-tu, m’aimes-tu, mon Toto adoré ? Moi, je ne pense qu’à toi, je te désire de toutes mes forces et je t’aime de toute mon âme. Je voudrais te voir pour te dire en tendres caresses tout ce que je te gribouille si insipidement. Tâche de venir, mon cher bien-aimé, tu seras bien gentil et bien fêté.
Je viens de payer le loyer, de payer Suzanne et les contributions ; une fois prises, il ne restera pas grand-chose des deux cent cinquante francs que tu m’as donnésb aujourd’hui. Vraiment l’argent me fond dans les mains. Il y a des moments où je suis tentée de me prendre au collet comme une voleuse car il me paraît impossible à moi-même de dépenser tant d’argent pour si peu d’honneur et pour si peu de profit. Il n’y a que lorsque j’additionne bout à bout mes sous et mes liards que je reconnais à quoi cela a passé et que je rends hommage à ma probité. En attendant, toi, tu travailles nuit et jour pour moi sans te plaindre comme un pauvre ange dévoué que tu es. Je t’aime mon Victor. Je te vénère, je t’admire, je te bénis, je voudrais mourir pour toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 41-42
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « pense-tu ».
b) « donné ».


14 avril [1844], dimanche soir, 5 h.

Je t’ai bien peu vu, mon Toto, il est vrai que je te verrais du matin au soir, et du soir au matin que je ne trouverais pas que c’est assez, mais, si peu que tantôt, ça ne peut vraiment pas compter pour du bonheur. Pourtant, mon adoré, je ne veux pas blasphémer en ne remerciant pas le bon Dieu et toi de cet éclair de joie que vous avez fait luire sur ma journée aujourd’hui. Il vaut encore mieux une minute de bonheur que rien du tout. En amour, tout compte. Merci donc, mon cher petit homme ravissant, merci pour ta trop courte apparition de tantôt. Puisses-tua revenir bientôt, je serais la plus heureuse des femmes.
Il fait un temps assez mouzon aujourd’hui. Je ne suis pas éloignée de faire allumer du feu car je n’ai pas excessivement chaud. Je te dirai chemin faisant, mon amour, que ma cheminée a un petit air fleuri qui lui va à ravir. Les fleurs de Claire arrangéesb dans les histoires de Mme Triger leur donnent un petit air étoffé qu’elles n’avaient pas auparavant et puis, enfin, mon oranger de hasard qui fait son effet, tout cela occupe et meuble ma cheminée agréablement. Pauvre ange, c’est à toi que je dois cela, car en somme c’est toujours toi qui donnes l’argent pour les acheter, si ce n’est pas à la mère, c’est à la fille, et le plus souvent à toutes les deux à la fois. Merci mon adoré, je t’aime plein mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 43-44
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « puisse-tu ».
b) « arranger ».

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