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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 mars [1844], samedi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour mon cher amour bien aimé, comment vaa ton rhume ce matin ? Je t’écris levée, mon adoréb, toutes mes fenêtres ouvertes avec le plus beau soleil du monde. La raison de ce matinal bonjour c’est que je veux prendre un bain avant le déjeuner. Voilà longtemps déjà que je remets cette petite cérémonie, aujourd’hui je me suis enfin décidée. Quelle ravissante matinée de printemps, mon cher adoré, et quel bonheur ce serait que de rouler ensemble dans un bon petit cabriolet vers un bon petit déjeuner égayé d’une bonne petite bourrée. Hélas ! Mon Dieu, nous sommes loin de ce ravissant souvenir, qui sait même s’il reviendra jamais à l’état de réalité.
Je sais qu’il ne faut pas tenter Dieu par le doute et la défiance mais dans le cœur je suis triste malgré que j’en aie. Jour Toto, jour mon cher petit o, j’espère que ce beau temps va achever de guérir ton rhume. Cependant, il ne faut pas lui laisser faire toute la besogne, il faut venir bien vite boire de la tisanec et baigner tes beaux yeux, à moins que vous n’ayez peur de me surprendre au bain comme le vieillard de la Bible [1]. Voime, voime Toto a très peur de compromettre la chasteté de Juju.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 269-270
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « vas ».
b) « adorée ».
c) « tisanne ».


9 mars [1844], samedi soir, 7 h. ½

Voici l’heure passée, mon adoré, et tu n’es pas venu. Que faut-il que je pense ? Est-ce que tu m’oublies ou est-ce que tu as eu des empêchements indépendants de ta volonté ? Je suis toute disposée à te pardonner s’il n’y a rien de ta faute, mais que devienta le rhume dans tout cela et comment se conduit-il ? Je t’avais fait de la tisaneb nouvelle, il y en a près du feu qui chauffe depuis tantôt mais ma précaution aura été inutile. Enfin, c’est bien triste de te savoir souffrant sans pouvoir te soulager, de t’aimer sans pouvoir te le montrer.
Mme Luthereau est venue tantôt avec une nouvelle pétition pour une nouvelle demande à un nouveau ministre. Elle espère que tu ne refuseras pas de l’apostiller tout en reconnaissant d’avance qu’elle abuse de la pétition et de ton ineffable bonté [2]. Ces pauvres gens, c’est pour leur avenir et j’espère que cette considération suffira pour te faire passer par- dessus la répugnance bien naturelle que tu as pour ce genre de ressources. Clairette est arrivée à la nuit close, elle venait de chez son père, c’est Lanvin qui l’y a conduite. Elle se porte bien, aux maux de tête près. Mais mon Dieu, à quoi sert de t’écrire toutes ces choses puisque je te les dirai ce soir ? Ce que j’ai à te dire c’est que je t’aime et que je ne t’ai pas vu et que je suis tourmentée et triste.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 271-272
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « deviens ».
b) « tisanne ».

Notes

[1Référence à la Bible et précisément au « Livre de Daniel », chapitre treize, où Suzanne, jeune femme vertueuse, est épiée par deux vieillards pendant qu’elle prend son bain.

[2Victor Hugo a accepté « d’apostiller » une pétition en faveur des Luthereau. À préciser.

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