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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 décembre [1837], samedi matin, 11 h. ¼

Bonjour mon cher adoré, bonjour mon cher petit bien-aimé. Tu vois combien c’est absurde de vouloir me donner des étrennes puisque cela te force à travailler encore davantage. J’aurais tant désiré déjeuner avec toi ce matin. Je l’avais presque espéré et le désappointement n’en [a] été que plus vif. Mon pauvre bien-aimé, ce ne sont pas des reproches que je t’adresse mais de l’amour le plus tendre et le plus passionné.
Jour mon Toto, jour mon petit homme. Je vais me lever. Si tu pouvais venir déjeuner avec moi ce matin, ça serait encore bien gentil quoique incomplet. Mais en amour faute de festin on se régale des miettes, et j’aime beaucoup ces miettes-là.
Quel vilain temps aujourd’hui. J’y vois à peine à t’écrire. Si tu étais dans mon lit je ne m’en plaindrais pas au contraire car tu sais que j’aime le demi-joura.
N’oublie pas de m’apporter tes dessins [1] pour mes étrennes. J’y tiens on ne peut pas plus. Je serais très triste de commencer l’année sans être rentrée dans mon bien, ainsi j’y compte avant toute chose.
Jour mon chéri. Pense à moi comme je pense à toi et aime-moi un peu. Je t’aime de toutes mes forces moi. Et je n’ôte pas mes pensées de ta chère petite personne. À bientôt n’est-ce pas ? Je t’attends de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 227-228
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « demie jour ».


30 décembre [1837], samedi soir, 6 h. ½

Mon pauvre bien-aimé. S’il était en mon pouvoir de t’aimer plus un jour que l’autre, ce que tu as fait aujourd’hui serait une occasion bien naturelle. Mais je t’aime trop depuis le premier jour où je t’ai vu pour avoir jamais pu me dépasser. Je t’aime de toutes mes forces, de tout mon cœur et de toute mon âme. Je t’aime de toutesa les amours à la fois. Aussi tous les efforts que tu fais pour améliorer ma position ne peuvent que m’inspirer de l’admiration pour ta générosité et de la pitié pour ta personne adorée que tu sacrifies avec tant de courage.
Du reste je te dirai que Suzette a été éblouie de toutes ces richesses étalées à ses yeux. La couronne surtout l’a ravie et moi j’étais heureuse que l’admiration de cette fille fût un hommage rendu à ta bonté et à ta généreuse affection. Je suis fière de ces quelques brimborions maintenant que c’est toi qui me les as achetés au prix de ton sommeil et de ta santé. Je les trouve beaux. Je ne les changerais pas contre tous les bijoux ciselés par Benvenuto [2], je crois bien, et tous ceux qui ont une âme le comprendront. Des bijoux dont l’or est fait d’une parcelle de ta vie, des pierres qui ont en elles un rayon de tes yeux, que peut-on comparer à cela et où y a-t-il assez d’or pour les acheter ce qu’ils valent ? Oh ! Je t’aime. Pas mieux ni plus mais avec un débordement d’adoration pour ta chère et vénérée personne.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 229-230
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « tous ».

Notes

[1Juliette réitère régulièrement cette demande depuis le mois de novembre. Il s’agit de dessins réalisés lors de leur voyage d’août-septembre dans le Nord de la France et en Belgique. Hugo les a prêtés à Boulanger.

[2Allusion au fameux orfèvre et sculpteur florentin Benvenuto Cellini (1500-1571). Un opéra tiré de sa Vie (autobiographie traduite en français en 1833), auquel Berlioz travaille depuis 1834, sera créé en 1838.

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