25 décembre [1837], lundi après-midi, 1 h. ¼
Bonjour mon Toto. Je t’aime. Comment que vous vous portez ? Vous avez été bien bête hier au soir, convenez-en. D’abord pour cette pointe de jalousie absurde que vous avez montréea dans le moment où je ne pensais qu’à vous. Mais ce qui passe de cent lieuesb cette première faute, c’est de vouloir me donner des étrennes ! Oh ! pour ça vous êtes plusieurs fois fou. Je quitte le ton de la plaisanterie que j’avais cru pouvoir prendre en commençant, pour te parler sérieusement, mon adoré. Je te prie du fond de mon cœur de ne pas penser à rien faire que ce qui est indispensable à cette stupide époque. Moi je veux bien plus qu’un cadeau, bien plus qu’un bijou, bien plus que tout ce qui se vend et s’achète dans ce monde. Je veux ton amour. Ton amour, entends-tu bien ? Je veux une LETRRE GRANDE que j’apprendrai par cœur toute l’année et que je baiserai soir et matin. Tu vois que mes prétentions sont bien assez grandes et qu’il n’y a rien à y ajouter après cela.
Si tu veux me plaire, si tu veux que je sois contente, ne me donne rien de ce qu’on appelle étrennes. Si tu veux que je sois comblée, que je sois heureuse, aime-moi et écris-le-moi. Je t’en prie bien fort et je ne peux pas t’être suspecte en te faisant cette prière car tu sais si je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16332, f. 208-209
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
[Souchon, Massin]
a) « montré ».
b) « lieux ».
25 décembre [1837], lundi soir, 7 h. ½
Je t’aime mon Victor, voilà ce que je vois très distinctement au fond de mon cœur. Quanta aux bisbilles que nous avons de temps en temps je ne sais pas d’où elles viennent mais je les renie de toutes mes forces et je les chasse à grands coups de pied pour qu’elles ne reviennent plus.
Tu as bien fait de me faire sortir un peu ce soir, cela me fera du bien, je l’espère. Je pense que le mal de tête que j’ai se passera tout à l’heure. Avouez que j’ai une confiance bien ridicule en vous pour vous laisser écrire huit lettres sans savoir à qui ni ce qu’elles contiennent. Il n’y a que moi pour cela. Je commence à regretter cette magnifique confiance. Une autre fois je ne serai pas si bonne. Pensez-vous à moi à présent jeune homme de 34 ans [1] ? Moi je vous écris, je vous désire comme s’il y avait trois heures que je ne vous ai pas vu. Je suis seule, je pense à vous, je vous aime, ne l’oubliez pas.
Bonsoir cher petit homme. Je voudrais bien COURIR après vous ce soir, vous verriez si j’ai de bonnes jambes. Malheureusement, vous ne le voulez pas. Vous êtes un vil hypocrite. Je vous aime toujours et de plus fort en plus fort comme chez Nicoletb [2]. Soir pa, soir man.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16332, f. 210-211
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
a) « quand ».
b) « Nicollet ».