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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 octobre [1842], samedi après-midi, 2 h. ½

Vous le voyez, mon amour, c’est une idée fixe chez moi que de vous écrire. J’ai beau savoir que vous n’en lirez pas un mot, je n’en persiste que de plus belle. C’est pour moi, pour moi seule que je ferai du beau style. Je ne suis pas trop dégoûtée, comme vous pourriez en juger si ceci vous tombait par hasard entre les mains.
Il fait un temps à manger tout cru. Quel dommage que vous ne puissiez pas m’en faire profiter. Voilà six semaines, sans reproche, mon adoré, que je n’ai mis le pied dans la rue. Je sais bien que vous travaillez, mon pauvre bien-aimé, c’est ce qui m’empêche de grogner, mais ma tête a peine à s’accorder de ce régime cellulaire. Dépêchez-vous donc, mon amour, de faire votre troisième acte [1], que j’ai si envie de connaître et puis, vous me ferez sortir tous les jours et tous les soirs.
Si vous croyez que je suis la dupe de ce tailleur d’enfants, vous me prenez pour une autre, par exemple. Vous aurez la bonté de me rapporter la facture ou MON ARGENT. Vous penserez aussi à m’apporter la bague, la chaîne et le petit reliquaire. Voilà assez longtemps que vous les prêtez à vos GUINCHES [2], il est juste que ce soit à mon tour maintenant. J’entends et je prétends rentrer dans mes argents et dans mes VALEURS le plus tôta possible.
Depuis tantôt, nous sommes à guetter le passage des ARÉOLITHES, nous sommes très décidés à faire un procès-verbal de coup de triques sur le dos de la LUNE quelconque qui se permettra de lâcher de pareils PHÉNOMÈNES.

5 h. ¼

Mme Kraft est restée chez moi presque jusqu’à présent. Elle est repartie pas comme elle était venue car j’ai été obligée de lui prêter un certain meuble pour retourner chez elle. Du reste, elle m’a dit qu’on t’avait vu à l’Odéon avec ta famille et ton beau-père. Comme il me paraît improbable que tu ne me l’aies pas dit au moins le lendemain, j’ai affirmé qu’on s’était trompé. Voilà, mon amour, jusqu’où va ma confiance en toi. Mais il ne m’est pas donné de te montrer, jamais, combien je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 157-158
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « plutôt ».

Notes

[1Troisième acte des Burgraves, dont Victor Hugo a achevé la deuxième partie le 2 octobre. Il achèvera le troisième et dernier acte le 19 octobre 1842.

[2Guinche : Désigne une danse populaire ou un outil de cordonnerie. Le sens du mot est ici peu clair.

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