28 mars [1837], mardi matin 11h
Bonjour, cher bien aimé, bonjour mon adoré. Je crois que je vais me trouver dans un grand embarras aujourd’hui, la servante se sent à son terme à ce qu’elle croit. Quel ennui et quel ennui surtout que ce soit aujourd’hui où j’ai la petite chez moi, enfin il faudra bien en passer par là puisque nous nous y sommes résignés, mais c’est bien embêtant.
Mon beau et bon petit homme, vous aurez encore fatigué vos beaux yeux cette nuit au lieu de les venir reposer auprès de moi. Je vous les aurais si bien bassinés avec de bons baisers que je vous les aurais guéris tout de suite. Hum ! vilain égoïste que vous êtes aussi.
Il fait un temps charmant aujourd’hui, j’aimerais mieux me promener avec vous que d’aller encore à quelque spectacle comme celui d’hier. Pouah ! quelle tinette [1] ! J’en ai encore la senteur dans le nez. Quel caca ! Voilà ma servante qui fait des contorsions à présent, il paraît que je vais avoir beaucoup d’agrément aujourd’hui. Enfin il faut vouloir ce qu’on ne peut empêcher, voilà mon système il est phame dans l’occasion.
Je vous aime Toto, je vous aime Loto, je vous aime petit Oto, je vous adore mon cher petit O. Je voudrais bien vous baiser en tout bien, tout honneur s’entend, car autrement je craindrais d’effaroucher votre vertu, n’ayez pas peur mon cher bijou, laissez-vous aimer en toute sécurité. N’ayez pas peur, venez très vite et très tôt, en attendant je vais me lever pour faire mes affaires, car il me paraît démontré qu’il faut que je commence mon petit travail aujourd’hui, ce qui ne m’arrange pas beaucoup, mais enfin !
Et puis je vous aime mon Toto et puis je vous aime et puis je vous aime et puis je vous aime et puis je vous aime.
Juliette.
BnF, Mss, NAF 16329, f. 321-322
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette