Lundi soir, 8 h. 10 m.
Mon cher petit Toto, je n’ai jamais été plus heureuse, et jamais je ne t’ai aimé autant qu’aujourd’hui. Il me semble que la sécurité dont tu vas jouir désormais ajoute à ma tranquillité personnelle. On dirait que c’est moi qui vais cessera d’être jalouse. Et cependant, il n’en est rien, mais ton bonheur, ta tranquillité passentb avant les miensc, c’est juste. Je saurai bien reprendre mon tour.
Quand tu es rentré tantôt, je faisaisd le plus bête de rêve qui soit possible. Je te remerciee de l’avoir interrompu à propos, car une minute de plus et j’avais le cou coupé. Toutes ces procédures me trottent par la tête. J’amalgame tout cela avec mon amour et voilà ce que cela produit : la guillotine, c’est joli. On voit bien que je fréquente l’École Moderne. À propos d’École Moderne, il faut que je prennef la résolution de faire une belle action afin de mériter de Louis-Philippe un bout de chaîne que je peux vous donner pour suspendre votre clef [1], tyran de la Place Royale. Je ne vous conseille pas, dans aucun cas, d’en faire hommage à aucune Tisbe car je vous préviens que je ne serai pas une Catarina commode, pour ces sortes de visites nocturnes.
Maintenant que je vous ai averti, je vous baise, je vous aime, je vous adore, et sans rancune pour tous les mauvais traitements que vous m’infligez. Bonsoir, mon cher petit Toto, tâche de venir bientôt après avoir lu ma lettre.
Juju
BnF, Mss, NAF 16324, f. 215-216
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « cessé ».
b) « passe ».
c) « le mien ».
d) « fesais ».
e) « remercies ».
f) « prennes ».