Lundi soir, 7 h.
13 juillet 1835a
Vous n’êtes pas venu me voir, mon cher petit vagabond, et vous pensez que je ne suis pas triste de cela ? Vous vous trompez. Il faut toute la confiance que j’ai en vous pour ne pas aller m’informer moi-même de ce que vous devenez. Je ne suis pas très rassurée dans mon coin. Avec cela que la loi de chasteté que vous observez si rigoureusement avec moi depuis plusieurs mois me fait craindre toutes sortes de malheurs [1]. Heimb ! prenez garde à vous d’abord. Avec cela que mes nombreux couteaux sont aiguisés à frais il pourrait bien y avoir un carnage atroce de votre chèreb petite personne si je découvrais la moindre infraction à la fidélité que vous me devez. Je vous conseille de ne pas vous y frotter, je parle de mes instruments de mort seulement. Quantc à moi, je ne demande pas mieux que vous vous frottiez à mon endroit quel qu’il soit.
Je n’ai pas voulu dîner avant de vous écrire parce que je n’aurais pas pu manger et puis je pense que si vous voulez voir Jacques II [2] vous viendrez me prendre de bonne heure et qu’il faut que je sois prête. Alors je vous baise les mains, les pieds, quoi encore, tout votre joli petit corps.
Juliette
J’ai envoyé chez le bijoutier ; il n’est pas encore venu.
BnF, Mss, NAF 16324, f. 170-171
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Blewer]
a) Date rajoutée par Evelyn Blewer dans Juliette Drouet, Lettres à Victor Hugo, Fayard, 2001 (voir ci-dessous note 3).
b) « cher ».
c) « quand ».