Mercredi, 1 h. 10 m. après midi
Tu es bien gentil d’être venu ce matin de très bonne heure, tu nous as rendus bien heureux. Je ne sais pas comment cela se fait, mais plus je te vois et plus j’ai le désir de te voir, comme plus je t’aime, plus je sens le besoin de t’aimer. Il faut pourtant que je me raisonne, puisque tu ne peux pas être avec moi tout le jour et toute la nuit. Je t’assure que c’est très difficilea de se raisonner à ce sujet-là.
Je viens de voir passer nos deux petits bonshommes, ils étaient ravissants [1]. Charlot, surtout, avait une tartine qui lui encadrait toute la figure, d’une façon toute pittoresque. La vue de ces chers petits enfants quand tu n’es pas avec moi, est une fiche de consolation pleine de charme et que je saisis avec bien de l’empressement.
Je vais m’habiller, ensuite j’écrirai des extraits, ou bien j’étudierai. J’ai un violent mal de tête qui m’a priseb en déjeunant et qui me rend toute bête. Je vais essayer de mon remède aquatique, peut-être fera-t-il merveille.
Mon Victor, avant de quitter la place, que je te disec donc comme je t’aime. C’est de toute mon âme, de toutes mes forces, avec mon sang, avec ma vie, avec mon souffle, que je te baise en pensée, en désirs, en attendant que je le puisse faire avec les lèvres, avec les mains, avec le cœur.
Mon Toto, je vous aime.
Juju
BnF, Mss, NAF 16324, f. 53-54
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « diffcille ».
b) « pris ».
c) « dises ».