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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 avril 1843, mercredi après-midi, 3 h. ¾

Je savais bien moi que vous viendriez mon cher petit bien-aimé. Non pas en l’honneur de la date [1] : 11 ni en celui de mes jambes qui y ressemblent beaucoup (mes jambes ressemblent à la date 11) mais en celui du vieux paletot et de la vieille chemise que vous n’endossez que les jours de grands carillons. Je ne m’étais pas trompée comme vous voyez. Je voudrais bien vous voir la même coquetterie cette nuit, ça me serait très agréable, je vous en réponds, de vous donner à déjeuner deux fois de suite. Mais… hélas ! vous n’êtes pas homme à faire le métier d’amoureux deux jours de suite. Si je vous insulte je suis prête à vous en rendre raison en champ clos à toute arme réservée [illis.] et de Bavière à f… Découverte au bord de la ruelle et on y jettera le vaincu. Voyez si cela vous convient. En attendant, je suis très vexée de céder ma place ce soir aux Burgraves [2]. Il faut bien que vous soyez féroce pour me retirer le morceau du roi… pour le jeter dans la gueulea d’un animal qui avalera tout ça sans goûter ni votre bon procédé ni votre admirable poésie. Enfin c’est une idée bizarre, pour ne pas dire absurde, que vous avez eueb là comme vous en avez malheureusement trop souvent. Taisez-vous.
La journée a été chaude aujourd’hui. Vous ne vous en doutez peut-être pas mais c’est comme cela. J’ai dépensé plus d’une quarantaine de francs ! à quoi, je le sais. Mais ça n’en est pas moins lourd. Je dois vingt-quatre francs à ma bonne. Je vous dis cela mon amour pour que vous ne soyez pas surpris le jour où vous m’apporterez de l’argent de le voir disparaître tout de suite puisqu’il sera dépensé d’avance. Je n’ai pas encore eu le temps de me débarbouiller, je ne suis occupée depuis tantôt que de chaudronnier, de charbonnier, de raccommodeusec de porcelaine, de blanchisseuse d’arias et d’ennuis de toutes sortes. J’ai un froid aux pieds de loup. Je vais me dépêcher de faire mes quinze tours pour allumer du feu et pour me réchauffer. Tout ce gribouillis est bien intéressant, n’est-ce pas mon amour ? Voilà ma poésie à moi. Elle n’est pas bien drôle comme tu vois. Une fois que je t’ai dit : – je t’aime, je suis au bout de mon imagination et de mon improvisation. La plus belle fille ne peut etc. et moi je suis comme elle. Je t’aime, je t’aime, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 27-28
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « geule ».
b) « eu ».
c) « racommodeuse ».

Notes

[1Juliette est née le 11 avril.

[2Juliette Drouet a une loge réservée pour chaque représentation, qu’elle-même ou Hugo partage ou prête au besoin.

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