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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 12 juillet 1860, jeudi matin, 7 h. ¾

Bonjour, mon cher adoré ; bonjour, amour, santé, bonheur et le RESTE s’il en est qui ne soit pas compris dans ces trois ardents souhaits de mon cœur. Il y a un mois à ce moment-ci de la journée je n’avais plus que quelques heures à rester auprès de toi et je me souviens de l’affreux serrement de cœur que j’éprouvais à l’approche de cette séparation en apparence si facile et si courte et pour laquelle j’ai autant souffert que si elle avait dû être éternelle pendant cette longue journée d’attente et de retard inexplicable [1]. Aussi, mon cher adoré, quoi qu’il arrive maintenant, je ne me séparerai plus de toi à moins qu’il ne s’agisse de te sauver la vie ou la liberté [2]. Ceci est bien entendu entre nos deux âmes, n’est ce pas mon cher bien-aimé ?
Comment as-tu passé la nuit, mon cher petit homme ? Tu n’as pas encore ouvert ta fenêtre ce qui prouverait que tu dors encore ce dont je t’approuve en dépit de toi-même. Il est évident que la nature ne se trompe pas et que si elle prend du sommeil plus que ton activité surhumaine ne le voudrait c’est que ton pauvre corps en a besoin. Qu’elle soit bénie de cette prévoyance, cette bonne mère nature, dussiez-vous en BISQUER tout votre saoula. En attendant, je doute qu’il m’arrive aujourd’hui une surprise pareille à celle d’hier car les Patourel ne pullulent pas et surtout ne sont pas tous aussi excentriquement mauvais et galants. Sur ce, je vous baise ardemment.

BnF, Mss, NAF 16381, f. 182
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « soul ».

Notes

[1Précédent Hugo d’une journée pour se rendre au meeting en faveur de Garibaldi orgnaisé par les Jersiais, Juliette était arrivée à Saint-Hélier le 12 juin 1860. Le lendemain, elle attendit au port le bateau qui devait amener Hugo en vain, pendant sept heures et demie : le bateau n’était pas parti de Saint-Pierre-Port, à cause du gros temps et d’une avarie, mais le télégramme annonçant son annulation n’était parvenu qu’en fin de journée. Juliette avait vécu cette journée de vaine attente sur le quai dans la plus grande angoisse.

[2Juliette avait sauvé la vie de Hugo lors du coup d’état de 1851 en l’aidant à fuir et à s’héberger en Belgique. Il avait pris le train à la gare du Nord le 11 décembre pour Bruxelles, où elle le rejoignait deux jours plus tard, emportant avec elle la malle aux manuscrits.

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