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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 mai 1842

11 mai [1842], mercredi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon amour bien-aimé, vous m’avez bien tenu parole cette nuit, n’est-ce pas vilain menteur ? Je suis très capable de vous pardonner si vous venez me chercher de ce beau temps pour sortir avec vous. On n’est pas plus platea et plus sans cœur que moi. En voilà un de beau temps, j’espère pour peu que ça continue, mon Toto sera bien content car il pourra errer et faire le lézard au soleil tant qu’il voudra. Quant à moi qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente ou qu’il tonne cela m’est tout à fait égal je ne suis pas plus avancée d’une température que de l’autre. Je reste toujours dans mon coin comme un pauvre chien galeux. Mais ma pauvre Clarinette n’est pas tout à fait aussi résignée que moi, elle a un air de découragement dont je m’aperçois. Aussi dès que ses affaires seront prêtes je la coffre sans pitié c’est-à-dire par pitié au contraire car la pauvre fille prend l’habitude d’avoir des maux de tête tous les jours sous prétexte qu’elle ne prend aucun exercice, ce qui est assez logique mais peu agréable. Baise-moi toi vilain homme et dis-moi si c’est à perpétuité que doit durer ma détention. Tâche de venir au moins me voir un peu plus souvent dans ma prison et surtout tâche de m’aimer pour tout ce que tu me fais souffrir, si ce n’est pour l’amour sans borne que j’ai pour toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 31-32
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « platte ».


11 mai [1842], mercredi soir, 6 h.

Mon Toto chéri, vous êtes bien beau, bien bon, bien charmant et bien ravissant mais vous êtes trop rare. Plus vous allez et plus vous vous ÉCLIPSEZ quoique vous ne soyez pas tout à fait la pleine Lune et qu’aucun [clune [1]  ?] n’ait usé des moyens que vous savez envers vous. Du moins je ne le pense pas. Mais mon amour, si ce n’est pas pour moi que ce soit pour cette pauvre Clarinette qui étrangle d’envie et de songe à la gorge et à la tête. Cette pauvre enfant n’est pas cause si je vous ai laissé prendre d’affreuses habitudes de despotisme envers moi. Soyez bon et humain envers elle, mon amour, et je vous pardonne tous vos trimes. Au lieu d’aller à l’académie faire dire et entendre un tas de grosses bêtises vous feriez mieux scélérat de nous faire sortir un peu, décidément vous êtes un animal. À propos d’animal Suzanne vient d’apporter de chez la laitière un petit chat angora tout gris qui ne marche pas encore et qui sera à vous pour peu que vous le désiriez. En attendant Fouyou a manqué de lui sauter sur la carcasse, il a juré comme un tonnerre et guère s’en est fallu qu’il ne fît un très mauvais parti à cet infortuné gris-gris. Je vous aime mon Toto chéri, vous saurez ça et je vous désire et je vous attends. Tâchez donc de venir bien vite une fois dans votre vie du moins je ne le pense pas.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 33-34
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1La lecture n’est pas douteuse, d’autant que le mot est répété à cette période, mais le sens nous échappe.

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