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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 mars 1853

Jersey, 22 mars 1853, mardi après-midi, 3 h. ¼

Vous êtes mon bien-aimé adoré, dans lequel j’ai la plus grande confiance et dont mon cœur s’est fait un Dieu. Mais cela ne m’empêchera pas de vous reconduire toujours partout et quelque temps qu’il fasse, telle est ma manière. Oui, mon cher petit bien-aimé, tant que tu ne m’opposeras pas de meilleures raisons que celle de ma santé, je te suivrai partout oùa je pourrai pour prolonger le bonheur d’être avec toi quelques minutes de plus. Ainsi, dorénavant, tu ne me feras plus d’objections sous prétexte de pluie et de goutte, car ma podagrerie s’arrange beaucoup mieux de ces deux inconvénients que du malheur de ne pas vous voir autant que je le voudrais.
Maintenant que c’est bien entendu, merci, mon adoré, de ta bonne parole de tout à l’heure. Je te crois, je suis heureuse et je reconnais que j’ai été très bête. Vous voyez que je m’exécute de bonne grâce et que je ne marchande pas avec ma propre stupidité. C’est que je suis si contente quand tu me prouves que j’ai tort de te soupçonner en quoi que ce soit, que, loin de chicaner sur les preuves, je les admets toutes, même celles qui démontrent le mieux mon ineptie. Qu’est-ce que cela me fait pourvu que je sois bien sûre que tu n’aimes que moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16373, f. 289-290
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain

a) « ou ».


Jersey, 22 mars 1853, mardi 3 h. ¾

N’oubliea pas que tu as ton cidre [1] ce soir, mon cher petit homme, et qu’il faudra que tu t’en ailles peut-être un peu plus tôt. Quant à moi je compte les minutes, c’est une noble occupation, je le sais bien, mais elle me paraîtrait plus agréable si je l’avais avec toi. Cependant, je ne veux pas te tourmenter surtout quand tu travailles, aussi je prendrai avec reconnaissance et avec joie ce que tu pourras me donner de temps. Jusque-là je vais me mettre à ton cher petit livre [2] que j’ai eu l’outrecuidance de ne pas accueillir avec le respect que je lui dois. Cette coquetterie d’une nouvelle espèce ne me va pas mieux que l’autre si jamais j’étais assez mal avisée pour user de l’une ou de l’autre sérieusement. La réalité est que je suis trop flattée et surtout trop heureuse quand tu daignes me confier n’importe quelle petite apparence de service à te rendre. A plus fortes raisons quand c’est de la COLLABORATION POLITIQUE ET LITTÉRAIRE comme celle-ci. Aussi, je vais m’y mettre d’arrache plume, et sans même regarder le charmant petit bateau sous voile qui court des bordées devant ma fenêtre. En attendant je laisse aller mon cœur à la dérive vers vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16373, f. 291-292
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain

a) « oublies ».

Notes

[1D’après le Journal de l’exil ou Journal de Jersey rédigé par Juliette, « cidre » désigne un thé, une réunion ou en particulier une soirée organisée pour « les proscrits démocrates et pauvres qui résident dans l’île ».

[2Copie des manuscrits des poèmes qui seront publiés en novembre 1853 dans le recueil au titre définitif Châtiments (l’autre titre envisagé à l’origine du projet était Les Vengeresses).

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