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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 décembre [1839], vendredi après-midi, 1 h. ½

Bonjour, mon petit bien-aimé. Bonjour, mon petit homme. Je t’écris pendant que j’ai auprès de moi Eulalie, la sœur de Joséphine mais je ne veux pas négliger de te donner mon cœur et ma pensée comme j’ai l’habitude de le faire. D’abord pour commencer je te dirai que c’est moi qui ai appelé Suzanne et réveillé ma fille, attendu qu’elles dormaient sous prétexte qu’il ne faisait pas grand jour. Ensuite j’ai eu la visite de Julie qui m’a annoncé avec des cris de joie que son petit frère était venu cette nuit. J’ai fait déjeuner ma fille et un instant après M. Lanvin est venu les chercher toutes les deux. Je n’ai fait que lui souhaiter le bonjour, il était très pressé et paraissait fort souffrant. Enfin, après avoir lu dans mon lit pendant une heure, je me suis endormie jusqu’à midi. Pendant ce temps-là, l’épicier est venu et comme Suzanne n’a pas jugé à propos de me réveiller, il a laissé la note sans [illis.]. Bref j’ai un très gros mal de tête et je viens de prendre un bain de pieds. J’espère que voilà des détails bien circonstanciés de ce qui se passe chez moi et chez les autres mais c’est que dans tout ce verbiage j’y mets mon cœur et mon âme. Je voudrais te voir, je voudrais te baiser. Je voudrais te manger. Il fait encore bien beau temps mais ce ne sera pas pour mon fichu nez. Il est probable que vous ferez vos visites sans moi, ce qui m’affligerait beaucoup [1]. Si je pouvais vous le défendre et vous en empêcher, je le ferais sans hésiter pour vous voir plutôt.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 129-130
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse


6 décembre [1839], vendredi soir, 8 h.

Tu n’es pas revenu, mon bon petit homme, et je suis autorisée à croire que tu as trouvé l’académicien [au gîte ?], ce qui ne veut pas dire la pie au nid. Moi, j’ai attendu Mme Pierceau une demi-heure pendant laquelle je me suis décrottée et j’ai lu la vie de Fénelon, ce qui m’a un peu allongé le mien, de nez, ainsi que me le présageait le titre de cette histoire embêtante plus qu’édifiante. Après avoir lu, j’ai eu le petit qui venait devant pour m’annoncer sa mère et pour me faire prendre patience. Nous venons de dîner à présent mais comme je n’avais pas de papier, je n’ai pas tu t’écrire plus tôta. Tu serais bien gentil si tu venais tout de suite n’importe pour quelle raison, la meilleure et celle qui me plairait le plus serait celle de me voir et de m’apporter votre joli petit museau à baiser. J’ai peur que Suzanne ne me mette le feu chez moi, je ne sais pas pourquoi l’ineptie de cette fille m’effraie au dernier point. C’est une bonne créature mais si stupide que c’en est effrayant ; enfin si cela arrivait tu m’achèterais un lit de sangle, voilà tout, et pour peu que tu viennes toutes les nuits coucher dessus je ne regretterai pas le beau lit doré, je t’assure bien et tu me crois, n’est-ce pas, quand je te dis cela ? Car c’est la vraie vérité comme mon amour, comme ma fidélité et comme mon adoration pour toute ta chère petite personne.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 131-132
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « plutôt ».

Notes

[1Juliette a l’habitude d’accompagner Hugo dans les rues de Paris lorsqu’il se rend chez les Académiciens dans le cadre de sa campagne.

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