Guernesey, 25 mai [18]70, mercredi matin, 6 h. ¼
Mon cher adoré, je ne me suis pas encore pardonné mon inqualifiable oubli d’hier, si on peut appeler oubli l’excès de préoccupation d’un sujet qui vous tient le plus au cœur, comme l’est ton merveilleux dessin autour de ce charmant petit miroir d’amour et de paix [1]. Depuis que je me suis aperçue de cette faute involontaire, j’en suis toute confuse et très malheureuse sans pouvoir cependant m’absoudre. Il n’y a que toi qui puisses me remettre ce péché inconscient et inepte. Jusque-là, je m’en veux et me boude à mort. J’espère que tu as passé une bonne nuit malgré les agitations de toutes sortes qui se renouvellent sans cesse autour de toi ? Je ne sais pas si tu es toujours dans l’intention de sortir aujourd’hui avant l’heure de la voiture pour acheter les divers objets destinés à l’ameublement de tes enfants grands et petits ? Dans tous les cas, je me tiendrai prête pour deux heures sans que cela t’engage à rien qu’à me pardonner si tu veux et à m’aimer si tu peux.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 145
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette