Guernesey 21 avril [18]70, jeudi matin, 6 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, joie et bonheur si ta nuit a été aussi bonne que la mienne et si tu m’aimes comme je t’aime. Je ne sais pas ce que sera la journée aujourd’hui mais nous avons bien fait de profiter du beau temps d’hier pour inaugurer nos douces et ravissantes promenades d’été. Il n’a pas tenu à moi qu’aucun nuage ne vînt troubler ce cher petit moment de fête et je suis inquiète et triste quand je te vois permettre à la première servante [1] venue de faire la pluie et le beau temps dans notre intimité SEREINE. Cela n’était jamais arrivé depuis plus de trente-sept ans que nous nous aimons. J’espère que c’est la première et la dernière fois que ce trouble malheureux se sera produit. Pour cela l’isolement entre nos deux maisons est ce qu’il y a de plus préventif contre ce danger. Je n’exagère rien, je désire seulement qu’il en soit dorénavant comme c’était autrefois, rien de plus, rien de moins. J’espère que tu approuveras cette précaution et que tu me rendras au plus vite ton bon sourire si tendre sans lequel mon âme ne peut pas vivre. Je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 112
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette