24 novembre [1836], jeudi soir, 5 h.
Je viens encore d’être bien malade, j’ai rendu mon déjeuner. Cela ne m’a empêchée d’être prête dans le cas où tu serais venu me prendre. Il paraît que tu auras été arrêté en route par d’autres affaires. Je me résigne et reprends mon coin du feu comme si de rien n’était.
Il fait absolument que je voie le médecin ces jours-ci. J’éprouve une trop grande perturbation pour ce que soit naturel.
Je t’aime, mon cher petit Toto, je t’aime de toute mon âme. Il est bien absurde que des malaises de rien du tout viennent nous troubler au bon moment, devenu si rare chez nous. Je suis vraiment en colère contre moi, comme s’il y avait de ma faute. Cependant le ciel sait que je t’aime au-delà de tous les bobos. Ah ! j’entends une voiture, j’ai l’espoir que c’est toi. Oui c’est bien toi.
9 h. ¼
Je reprends après m’être un peu réchauffée et avoir pris un potage qui déjà me paraît menaçant pour mon estomac. Aussi j’attendrai pour me coucher que je l’aie digéré de gré ou de force. Je vous aime toujours et ça ne dépend d’aucune digestion bonne ou mauvaise. Je vous aime.
J.
BnF, Mss, NAF 16328, f. 171-172
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette
24 novembre [1836], jeudi soir, 9 h. ½
Pauvre ange, en te quittant j’avais bien froid, cependant ce que je sentais le plus c’était ton mal de tête, est-il possible que ce vieux gredin de L. M. [1] ait eu le front de te retenir une mortelle heure et demie sous la pesanteur de son esprit, dans la fétidité de son haleine et au milieu de tous ses vieux crachats ? Il y avait de quoi en mourir et je m’étonne même que tu en sois tiré à si bon marché. Mais tout n’est pas encore fini ; nous avons encore les goutteux, les goitreux, les pierreux et les foireux à voir. Tâche de les approcher le moins longtemps possible et de leur dire m…. à tout ce qu’ils te disent.
Je suis vraiment dans une colère atroce contre ces vieux baveurs, qui au lieu de se cacher dans les commodités de leur maison pour y puer à leur aise, ont l’audace de faire salon et d’y retenir avec de sales propos les malheureux assez courageux pour y entrer.
Si c’était moi le CANDIDAT [2], je leur dirais joliment leur fait une bonne fois pour toute et j’emploierais le temps qui me resterait à baiser MA JUJU, ça serait bien plus saint et bien plus gentil.
BnF, Mss, NAF 16328, f. 173-174
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette