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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 novembre [1836], mercredi matin, 10 h.

Vous m’attrapez toujours et sans cesse, mon cher petit Toto, sans que je vous en aime moins. Seulement, c’est du bonheur que j’ai eu moins, et vous savez, mon pauvre ange, qu’en fait de bonheur, j’ai mis tous mes œufs dans le même panier (l’amour) aussi quand vous me manquez tout me manque.
J’ai passé une nuit atroce, mon souper m’a tourmenté et me tourmente encore excessivement. Je me fais faire du thé dans ce moment-ci. C’est à grande peine que je t’écris, car j’étouffe. Il me semble que le soleil est bien vif ce matin, quel dommage que nous ne puissions pas en profiter.
J’ai une très grosse CORNE à la tête. D’où me vient cette abondance, je vous prie de me le dire ? Est-ce que par hasard ce serait moi qui serais coiffée par le chapeau TROMBLON [1] ? Je vous préviens que ce genre de coiffure est tout à fait mal seyant, pour toute individute qui à la tête près du BONNET [2]. Une fois averti, j’espère que vous voudrez bien ne plus essayer de nouvelle mode sur mon front sensitif. À cette condition, je vous baise les pieds, les mains et généralement tout ce qui tient à vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 167-168
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette


23 novembre [1836], mercredi soir, 4 h. ½

Oui je t’aime mon Toto chéri, oui je t’admire mon grand Victor, oui je t’adore mon beau et noble et sublime amant.
Je t’écris de mon lit d’où je ne sortirai probablement pas de ce soir, non pas que je sois plus malade au contraire, mais parce qu’il fait froid et que l’excellence du mécanisme de ma cheminée ne me permet pas de faire le moindre feu. À ce sujet j’ai fait venir la portière pour lui montrer l’impossibilité ou je suis de faire du feu, même la fenêtre ouverte, ce qui constitue une médiocre température par le temps qui soufflea.
J’ai reçu une lettre affranchie de Mme Krafft, tu la liras. Plus je sens que je t’aime et plus j’ai besoin de te le dire. Plus je te le dis, et plus je sens augmenter mon amour. Cercle tout à fait vicieux, mais dont je ne veux pas sortir quoi qu’il arrive.
Mon cher bien-aimé, est-ce que je serai toute la soirée sans vous voir ? Est-ce que mon costume de malade vous effraye et vous éloigne de mon lit ? Mais je vous assure qu’en-dessous je suis très bien portante, et qu’en-dedans j’ai le cœur le plus ardent et le plus rempli d’amour qui se puisse désirer.
Venez donc mon cher amour et je vous ferai fête et joie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 169-170
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

a) « soufle ».

Notes

[1Chapeau ancien haut-de-forme évasé au sommet. Assez grand pour faire rentrer la corne (du cocufiage).

[2Avoir la tête près du bonnet : être susceptible, se fâcher facilement.

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