Guernesey, 16 décembre, [18]65, samedi matin, 7 h. ¾
Bum-jour [1], mon cher petit homme, et amour, soit que tu dormes ou que tu sois éveillé. Voilà bien des nuits que tu passes agitées et incomplètes, mon pauvre adoré [2]. J’espère que celle ci aura été plus tranquille et plus longue. Je ne suis pas restée à l’affût de ton lever ce matin à cause des passants qui sont plus nombreux aujourd’hui, samedi, jour de marché. La privation de cette minute de bonheur se fera sentir dans tout le reste de ma journée. Ce n’est pas la première fois que j’en fais la remarque puisqu’il m’arrive très rarement de te saisir au passage entre terre et ciel. Mais à chaque [déconvenue ?], nouvelle tristesse et à chaque réussite, nouveau bonheur. Et dans tous les cas et toujours amour et bénédiction sur toi, mon bien-aimé adoré. Puissesa-tu n’avoir que de bonnes nouvelles et pleine et entière satisfaction en toute chose aujourd’hui, mon grand petit homme. Je n’ose plus te parler de la fameuse visite à Mme Corbin, et cependant je suis à la limite extrême du délai accordé à ces sortes de [niaiseries ?] [3]. Je crains que les Corbin ne finissent par se camoufler de mon indifférence sur les usages du MONDE et ne m’en gardent rancune, ce dont je me ficherais si le mari n’était pas notre médecin. Il faudra donc prendre sur nous à notre première sortie de faire cette corvée au lieu de notre ravissante promenade sur la montagne. Le plus tôt sera le mieux pour n’avoir plus à songer à cette maussade obligation. En attendant je te souris, je t’aime et ZOZO d’Ems [4].
BnF, Mss, NAF 16386, f. 208
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « Puisse ».