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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 décembre [1835], samedi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon adoré, bonjour, mon chéri, je t’aime. M’entends-tu ? Je t’aime. Je pense à toi avec amour et attendrissement en songeant à tout ce que tu fais tous les jours pour moi.
J’ai vu tout à l’heure la dame de Mme Guérard. Elle a emportéa la fameuse robe pour s’assurer sur ses patrons si elle pouvait en tirer parti. Je serais bien contente que cela pût te faire une bonne robe bien chaude pour te garantir du froid quand tu travailles pour moi la nuit.
Je viens de recevoir la signification du jugement du tribunal de commerce qui me condamne à payer [1]. Je voudrais bien que tu viennesb tout de suite pour l’envoyer à Manière et savoir ce qu’on a à faire pour arrêter ou pour se soustraire aux conséquences de cet arrêt. Malheureusement, tu peux être retenu fort tard et je n’ose pas prendre sur moi de l’envoyer avant de t’avoir vu.
Pauvre ami, voici le commencement de la suite des désagréments de notre position. J’espère que nous aurons tous les deux le courage suffisant pour les supporter.
J’ai bien envie de te voir pour te baiser, te caresser et t’adorer. J’ai bien besoin de te voir pour nos vilaines affaires. Je t’attends avec bien de l’impatience d’esprit et de cœur.

J.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 183-184
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « elle a emportée ».
b) « tu vienne ».


5 décembre [1835], samedi soir, 8 h.

Mon cher petit bijou d’homme, je vous aime tant que je peuxa et je peuxa plus que vous n’en pouvez contenir. Donc je vous aime trop. Je suis bien ravie que ces petits sorciers (commeb vous les appelez) aient gagné le fameux bonhomme dont ils ne feront qu’une bouchée quoi que vous en disiez. J’en suis d’autant plus ravie que cela me fera peut-être gagnerc aussi à moi quelques instants de plus de bonheur parce [que] j’espère que vous viendrez de bonne heure me prendre pour aller chercher le grand colosse de pain d’épice. Si vous faites cela, je consens à porter le susdit bonhomme depuis le passage du Panorama jusqu’à la rue des Tournelles. J’espère que c’est assez généreux comme cela.
Savez-vous une chose ? C’est que je vous aime et que je vous trouve fièrement gentil et que je voudrais vous le dire bien bas, bien bas, afin de vous le dire de plus près. Savez-vous ça ?
J’ai bien peur que vous ayez eu l’imprudence de perdre le nom de ce bon monsieur sans lequel on ne peut pas le réclamer. J’ai peur de perdre en même temps la seule chance qui me soit échue dans ce lot, celle de vous voir plus tôt qu’à l’ordinaire.
Ô, cinq décembre. Ô numéro treize. Soyez-moi propicesd et je promets de ne vous oublier de ma vie et de vous aimer autant que mon Toto.

Juju

BnF, Mss, NAF 16325, f. 185-186
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « je peu ».
b) « omme ». Confusion de la parenthèse et du « c ».
c) « gagné ».
d) « propice ».

Notes

[1Juliette Drouet avait été jugée par le tribunal de police correctionnelle le 8 décembre 1833. La décision, dont elle prit connaissance le 15, la condamnait à payer à Mme Ribot la somme de 8000 francs. Depuis, l’usurière la poursuit et Victor Hugo l’aide à rembourser ses dettes.

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