Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1842 > Avril > 1

1er avril 1842

1er avril [1842], vendredi matin, 10 h. ½

Bonjour bonjour mon adoré, comment vas-tu ? Comment te trouves-tu ce matin ? Qu’est-ce que dit le médecin [1] ? Faudra-t-il que je prenne mon courage à deux mains pour m’aider à passer cette journée sans te voir et sans savoir de tes chères nouvelles ? J’espère que non. Je prie le bon Dieu depuis hier de ne pas me mettre à cette cruelle épreuve. Je ne suis brave et courageuse qu’avec toi. Dès que tu me quittesa toutes mes craintes me reprennent et je n’ai plus la moindre énergie. Cependant je te l’ai promis, mon adoré, je ferai tous mes efforts pour être calme et tranquille. Depuis que tu m’as quittée hier au soir je n’ai pensé qu’à toi. Je ne me suis endormie que très tard dans la nuit et je me suis éveillée à l’heure à laquelle tu as coutume de venir et j’ai encore été très longtemps à m’endormir, ce qui fait que je me suis éveillée tard ce matin. Mais je voudrais savoir comment tu as passé la nuit, ce que dit le médecin et si j’aurai le bonheur de te voir aujourd’hui ? S’il suffisait de prier et de désirer ta santé et ton amour de toutes ses forces et de toute son âme, tu ne souffrirais jamais et je serais la plus aimée des femmes. Mon Dieu, pourvu que tu n’aies pas voulu me rassurer hier aux dépensb d’aujourd’hui ? Je voudrais savoir comment tu vas. Je regrette maintenant de n’avoir pas dit à Lanvin hier au soir de revenir ce matin : mon pauvre petit homme, ne sois pas malade, je t’en prie. Je t’en prie. Soigne-toi et écris-moi si tu ne peux pas sortir, car je suis bien tourmentée et bien malheureuse de ne pas savoir comment tu es. Je t’aime mon Victor adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 223-224
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « quitte ».
b) « au dépend ».


1er avril [1842], vendredi soir, 6 h. ½

Ma tranquillité, ma joie, mon bonheur se sont en allés avec toi, mon pauvre bien aimé. Et me revoilà pauvre Juju bien inquiète, bien triste et bien seule comme devant. Dès que je t’ai quittéa il me semble que j’ai tout perdu, je ne sais plus que faire de ma vie ni à quoi employer mon temps quoique je sois toujours occupée, mon pauvre bien-aimé. Tu avais l’air plus souffrant qu’hier [2] et je crains bien que l’applicationb des sangsues ne soit indispensable. Si cela était, mon pauvre adoré, il ne faudrait pas faire d’imprudence en sortant trop tôt, mais il faudrait me rassurer en m’écrivant deux fois par jour si cela ne te fatigue pas trop. La pensée que tu prolonges tes souffrances en voulant éviter le remède énergique qui nous séparera un jour ou deux l’un de l’autre me donne le courage de te conseiller de l’employer plutôt que de souffrir plus longtemps. Aussi, mon bien-aimé, si M. Louis croit les sangsues nécessaires, je t’en prie, en grâce, de ne pas différer à les faire mettre dussé-je ne savoir que devenir le temps que durera ta retraite forcée. Avant tout ta santé, mon adoré. Il n’y a pas de mots, mon adoré, pour te dire toute la tendresse, toute la joie, tout l’amour que j’éprouve durant les courtes promenades en voiture que nous faisons depuis trois jours. Pour moi le ciel est beau, l’air est doux, le bonheur parfait dès que je me sens avec toi ta main dans la mienne, ma vie dans ta vie, ton souffle sur ma bouche. Hélas ! Pourquoi faut-il que cela dure si peu ! Et pourquoi faut-il que tu souffres, toi, si bon, si beau, si noble et si généreux ! Dieu seul le sait, mais moi je trouve ça bien dur et bien injuste. Soigne-toi mon adoré, prends ton bain, repose-toi bien et pense à moi qui t’adore de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 225-226
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « quitée ».
b) « aplication ».

Notes

[1Juliette a appris la veille que Hugo était souffrant.

[2Juliette a appris la veille que Hugo était souffrant.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne