Guernesey, 14 février [18]70, lundi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour à tous les degrés Réaumur... les plus chauds voire même les plus sibériaques. As-tu mieux dormi cette nuit que l’autre, mon cher grand petit homme ? As-tu eu moins froid ? Comment vas-tu ce matin ? C’est bien longtemps attendre jusqu’après une heure après midi pour savoir tout cela. Je tâche de prendre patience en m’occupant de toi. J’ai déjà choisi tes deux œufs, mis de l’eau neuve dans ta cuvette et une serviette immaculée sur ton assiette. Suzanne est en train de faire ton café qui embaumea toute la maison pendant que je fais courir mes vieilles pattes de mouche goutteuses te porter ou plutôt traîner jusqu’à tes pieds toutes ces tendres inepties de mon cœur. Je m’y prends de bonne heure comme tu vois, pour être sûre qu’elles n’arriveront pas en retard. Le dégel arrive, lui aussi, PEDE CLAUDO [1] : attrapéb ! J’ai eu très chaud cette nuit. Il est vrai que j’avais pris des précautions pour cela. Aussi j’ai bien dormi, tu peux le voir à mon latin. Mais ce que je tiens à te montrer c’est que je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 41
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette
a) « embeaume ».
b) « attrappé ».