Guernesey, 24 juillet [18]68, vendredi matin, 7 h.
Je t’ai guetté en vain pendant près d’une heure, mon cher adoré, sans avoir eu la chance de te voir passera sur ton toit. J’espère que tu as mieux dormi que moi et que ton pauvre œil est moins rouge ce matin. Le vent continue de souffler avec violence mais nous avons encore trois jours devant nous. D’ici là, le vent peut se calmer et le ciel redevenir joyeux de lugubre qu’il est aujourd’hui. Il faut nous tenir prêts à partir lundi si Dieu le permet. De mon côté, toutes les malles seront faites aujourd’hui et je prendrai le bain de l’étrier demain. Que ne puis-je t’en faire prendre un de pieds par la même occasion, cela te débarrasserait de ton bobo à l’œil tout de suite. Mais à distance tout devient compliqué, même la chose la plus simple comme celle-ci. Mon seul moyen d’action, c’est de demander à Dieu de te délivrer de tout mal et de tout chagrin, ce que je fais de toute la force de mon cœur et de mon âme. Et puis je t’aime, je t’aime, je t’aime, encore, encore, encore et toujours, de plus en plus fort.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 205
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « te voir passé ».