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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 décembre [1840], vendredi matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher petit homme. Tu n’es pas venu encore ce matin et tu as oublié mes lettres cette nuit. Pour mes lettres j’en faisa bon marché car en vérité ce n’est pas la première que je te fais apercevoir que c’est une dépense inutile de papier et d’encre. Mais pour vous, mon adoré, c’est autre chose, je ne trouve pas inutile de voir votre charmante figure, de sentir votre cher petit corps auprès du mien et de respirer votre douce haleine. Aussi le jour où vous me manquez je suis comme un corps sans âme et je ne sais plus que faire de ma vie. Ne lis pas mes lettres si tu veux et même je t’en prie, mais viens te reposer auprès de moi, mon adoré, si tu veux que je sois bien heureuse. Claire n’est partie que tout à l’heure, Lanvin qui devaitb venir la prendre de bonne heure a été retardé à son imprimerie. Enfin la voilà partie pour un mois et j’espère qu’elle le mettra bien à profit pour toutes ses études. Embrasse-moi mon Toto, je t’aime ma vie, ma joie, mon amour. Je t’aime de toute mon âme. Pourquoi n’es-tu pas venu ce matin ? Tâche au moins de venir tout à l’heure afin que je ne sois pas triste toute la journée.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 201-202
Transcription de Chantal Brière

a) « fait ».
b) « devenait ».


4 décembre [1840], vendredi soir, 5 h.

Vous êtes un dangereux scélérat et vous savez très bien vous tirer de tous les mauvais pas où votre indifférence et votre froideur envers moi vous jettent. Vous trouvez moyen de m’empêcher de vous tirer les yeux hors de la tête quand j’en ai tous les motifs. Enfin vous êtes un scélérat voilà le fait et je voudrais que le rasoir de Richi vous ait encore plus ratissé le menton. Taisez-vous infâme candidat [1], vous n’aurez jamais ma voix quelque efforta que vous fassiez pour y parvenir. « MELFORT, MELFORT, de la Cacadémie perderas-tu le souvenir ? Perderas-tu, perderas-tu le souvenir ? » [2] (Toto cherchant des voix et ne trouvant que la sienne pour écho. Paris, 4 décembre 1840)
Je me fiche de vous c’est bien fait, ça vous apprendra à me laisser geler toute seule dans mon lit par le temps qui fait. Il est gentil le temps qui fait surtout quand on n’a pas allumé de feu de la journée et qu’on s’est occupé au travail peu réchauffant de : réparer des ans l’irréparable outrage [3]. C’est-à-dire à chercher ses cheveux blancs toute la journée. Voime, voime, voime. À propos quand me ferez-vous sortir ? Je vous dis cela en passant et pour mémoire seulement car je sais que j’ai encore semaines devant moi avant de toucher à l’anniversaire d’une course en omnibus le soir par le brouillard le plus épais et le plus fétide. C’est donc uniquement pour la conversation ce que j’en dis. Baisez-moi du reste et attendez-vous à me trouver moins MOUTON pour vos absences de la nuit et du matin. Entendez-vous ?

Juju tourbillon de griffes

BnF, Mss, NAF 16343, f. 203-204
Transcription de Chantal Brière

a) « quelqu’effort ».

Notes

[1Hugo fait campagne pour entrer à l’Académie française. Il sera élu le 7 janvier 1841.

[2Parodie d’un couplet extrait du Pensionnat de jeunes demoiselles, opéra-comique de Picard et Vial, musique de Devienne, crée le 2 mars 1825, Acte I, scène VI : « Toi que j’aime plus que ma vie, / Que je voudrais en vain ne plus chérir !/ Melfort ! Melfort ! de la triste Amélie/ As-tu gardé le souvenir ? »

[3Racine, Athalie, Acte II, scène V.

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