Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Août > 3

3 août 1840

3 août [1840], lundi après-midi, 4 h. ¾

Les deux heures un quart sont bien passées, compagnon de la marjolaine [1], les deux heures sont bien passées de sur le gué. Oui mais vous ne venez pas beaucoup ce qui me rogne mon bonheur d’autant et me fait prendre mon mal en impatience. Vous auriez bien pu, si vous aviez voulu, me donner ma pauvre petite demia-journée franche de tout travail et de toute préoccupationb. Ça ne vous arrive pas assez souvent pour que ça vous fasse un grand tort, aussi je n’attribue qu’à votre peu d’amour pour moi votre peu d’empressement à vous trouver en tête-à-tête avec moi. J’aurais été si joyeuse aujourd’hui si vous m’aviez donné le reste de votre journée pour en faire ce que j’aurais voulu sans en rendre compte à personne. Que c’est bien mal à vous de ne me l’avoir pas donnée, cependant je serai bien joyeuse et bien heureuse quand je vous verrai mais je l’aurais été davantage plus tôtc et plus longtemps. Enfin pourvu que vous ne veniez pas à sept heures je serai encore bien contente. Ah ! mon Dieu j’ai oublié et toi aussi, probablement, les livres de Mme Krafft. Quels affreux goistapioux nous sommes, en vérité c’est une honte et je n’ose plus penser à cette affaire-là.
Jour Toto. Jour mon petit o, voilà cinq heures et pas de Toto à l’horizon. Cependant si tu tiens parole et si tu ne te moques pas de moi, il n’y a plus que patience à prendre. Prenons patience. D’ailleurs, mon pauvre adoré, tu travailles pour moi, pour tout le monde et je suis une vieille bête et une vieille injuste. Pardonne-moi mes plaintes ridicules et aime-moi car tous mes torts sont de t’aimer trop. Jour Toto, jour mon petit o. Papa est bien i, je ne suis pas généreuse pour l’ARICOT VERT c’est vrai mais je le suis pour mon Toto ainsi il y a compensation et je désire que ceci soit grave, en même temps que le reproche fondé, sur ma tombe comme un puissant correctif. En attendant tâche de revenir bien vite auprès de ta pauvre Juju qui te désire de tout son cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 71-72
Transcription de Chantal Brière

a) « demie ».
b) « préocupation ».
c) « plutôt ».

Notes

[1Chanson populaire célèbre dont les couplets s’achèvent par « Gai, gai, dessus le quai » et non le « gué ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne