Guernesey, 14 décembre 1868, lundi matin, 8 h.
J’ai honte de le dire, mon cher bien-aimé, mais j’ai eu encore une mauvaise nuit. C’est bête comme tout mais c’est comme ça, que veux-tu que j’y fasse ? Je tâcherai de faire mieux la nuit prochaine et je compte me rabibocher de celle d’aujourd’hui sur la tienne. Voilà. Ça n’est pas plus malin que ça. Ce qui l’est davantage, c’est le flair du citoyen sur ta fraude aimable envers lui. Il ne s’y est pas trompé, du moins dans le premier moment. Peut-être ton affirmation persistante lui donnera-t-elle le change. En attendant, il a plutôt l’air déconfit que satisfait du procédé, au point de vue matériel. Si je me trompe, je lui en fais tout de suite toutes mes excuses et avec plaisir. C’est aujourd’hui que je dois écrire à Mme de Montferrier pour lui envoyer l’argent que tu lui donnes [1]. Mais auparavant je veux te consulter sur la forme de cet envoi et sur la manière de faire charger la lettre. Tu auras la bonté de me le dire tantôt pendant que tu baigneras tes chers yeux [2]. D’ici là, mon cher bien-aimé, ma pensée, mon cœur et mon âme iront bien des fois au devant de toi.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 342
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette