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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 avril [1840], samedi soir, 6 h.

Je t’écris bien tard, mon Toto chéri, c’est que Mme Triger et sa fille sont venues me voir et qu’elles sont restées à peu près trois-quarts d’heure pendant lesquels la petite fille a regardé les images de mon vieux manuscrit et des divers keepsakesa qui ornent ma bibliothèque, mais non mon orthographe, plus la Notre-Dame de Paris qu’elle voulait à toute force que je lui prêtasse parce que depuis longtemps elle désire lire les ouvrages de VICTOR HUGO. J’ai été obligée de lui dire qu’il n’était pas à moi, ce volume, et que je le lui enverrais après en avoir obtenu la permission du véritable propriétaire. Du reste Lafabrègue est venu toucher ses dix francs ainsi que cela était convenu la dernière fois que je l’ai vu ; plus l’argent de la paire de souliers. Et puis, comme tout est toujours très bien arrangé, Chappelle a envoyé sa fille de boutique avec un bout de lettre pour obtenir quarante francs au lieu de 20 f. Je l’ai envoyée promenerb et je lui ai donné 20 en empruntant 15 f. à Suzanne. Demain ce sera le tour de Mignon et jamais ce ne sera le tour de te reposer ce qui est bien triste et bien inquiétant pour moi, qui t’aime, et qui voudrais ne te demander que de l’amour et ne te rendre que du bonheur. La seule consolation que j’ai c’est que s’il était en mon pouvoir de te débarrasser de tous les fardeaux et de tous les ennuis de cette vie au prix de toute ma vie je n’hésiterais pas. Tu n’en doutesc pas n’est-ce pas mon amour ? Aussi baise-moi et aime-moi, car je t’aime de toute mon âme et je t’adore mon cher petit Dieu.
Il fait un temps ravissant, j’aurais eu bien de la joie à sortir avec toi. Si tu peux me faire faire un petit tour ce soir je serai bien contente. Je crois que décidément je vais avoir mon indisposition en GRAND, dans ce moment-ci ça va et je souffre, je vais me mettre à ma chemise dare-dared, je veux tâcher de la finir aujourd’hui. Mais baise-moi toujours et aime-moi la moitié seulement de ce que je t’aime ; ce sera encore beaucoup plus que plein ton cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 27-28
Transcription de Chantal Brière

a) « kaepseks ».
b) « promenée ».
c) « doute ».
d) « dar dar ».

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