25 novembre [1840], mercredi soir, 4 h. ¾
Je t’envoie mon âme, mon Toto, garde-là bien afin qu’elle ne souffre ni de l’indifférence, ni de l’absence, ni de l’oubli. Je pense à toi toujours, mon adoré, et je t’aime plus que jamais. J’ai dans ce moment-ci à la maison un ouvrier de Jourdain qui pose une bande de toile sur le tapis de la salle à manger. Il ne m’a pas envoyé la peau de chevreuil [1], ce stupide Jourdain, mais il m’a fait dire que ce serait toujours pour cette semaine. Je voudrais bien savoir où vous alliez tantôt en sortant de chez moi ? Il me semble qu’ordinairement vous allez tout de suite chez vous savoir ce qui s’est passé pendant votre absence, ce qui est tout simple. Aujourd’hui vous n’avez pas fait la même chose, je voudrais savoir pourquoi. Le travail est une selle à tous chevaux que vous enfourchez sans sourciller à propos de tout même pour aller en visite chez Thiers, ou pour dîner chez Villemain. Il n’y a rien de plus commode que ce dada-là mais je voudrais que vous en changeassiez de temps en temps.
Jour Toto. Il fait un temps des dieux aujourd’hui, ce serait bien le cas de sortir. Cependant je dois avouer que je ne me suis pas encore précautionnée d’une paire de gants et à moins d’adopter le genre [GUYON ?] il me serait impossible de mettre un pied dans la rue à cause de mes mains. Un de ces jours, si tu veux, nous irons à la pension de Claire, ce sera un but de promenade pour nous et en même temps une chose utile pour l’enfant et pour ses maîtresses. N’est-ce pas mon petit Toto, nous ferons cela très prochainement ? Baise-moi en attendant tu es mon cher petit homme bien-aimé. Quand donc me donnerez-vous à COPIRE ? Je trouve que vous tardez beaucoup trop à me donner de la besogne. Et je trouve aussi que vous ne pensez pas assez à me rapporter mon livre de poste, mon portefeuille et mon album. Tâchez de vous dépêchez un peu.
Juliette
BnF, Mss, NAF, 16343, f. 183-184
Transcription de Chantal Brière