Paris, 15 juin [18]74, lundi soir, 5 h. ½
Je suis bien patraque aujourd’hui, mon cher grand bien-aimé, et j’ai bien peur de le laisser voir ce soir à la douce fête de santé qu’on fait à ton cher Petit Georges. Voici plusieurs jours que je lutte, sans succès, contre l’envahissement de mes vieilles douleurs. Cependant, je fais tout ce que je peux pour résister, ce soir, surtout, où j’ai, plus particulièrement encore que les autres jours, le désir de ne pas [m’]occuper de moi et de n’être pas un trouble-fête. Si je n’y parviens pas, je te prie d’avance de m’excuser et de me plaindre, car j’en serai bien malheureuse. J’ai envoyé de ta part six bouteilles de ton bon vin à Mme Charles, laquelle était sortie pour commander son triomphant petit Festival de ce soir [1]. Jeanne aussi est allée aux provisions avec elle, ce qui fait que je suis absolument seule dans ma splendide caverne. Excepté le vent qui bougonne dans ma cheminée, je n’entends aucun bruit autour de moi. J’en profite pour laisser parler mon cœur qui ne t’a jamais plus aimé, plus admiré, plus vénéré et plus adoré qu’en ce moment.
BnF, Mss, NAF 16395, f. 110
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette