Paris, 7 juin [18]74, dimanche, 8 h. du matin
Bonjour, mon grand bien-aimé, bonjour, joie et bonheur si ta nuit a été bonne pour toi et pour tes chers petits-enfants. Je pense que tu as déjà pris la clef des champs, la clef des amourettes [1], car l’une ne va guère sans l’autre ; quant à moi, je suis la cul-de-jatte du sentiment. Je t’aime à poste fixe, je ne sors pas de là. Je n’ai pas encore eu de nouvelles de Petit Georges, mais j’ai tout lieu de croire qu’il va bien, car il dort encore à ce que dit Mary. Jeanne elle-même n’est pas encore éveillée, ce qui est un bon signe de santé. Pour moi, je ne veille ni ne dors, je souffle et je sue, voilà ma vie. Cette chaleur m’accable sans me tuer, car j’ai la vie trop dure pour cela, mais je n’en vaux guère mieux. Je ne reprends courage que pour t’aimer. Hors de là tout m’est impossible. Je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime et puis voilà.
BnF, Mss, NAF 16395, f. 102
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette