4 juin [1839], mardi matin, 11 h. ½
Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon petit Toto, comment vas-tu ce matin, mon petit homme ? Tu n’es pas venu, tu ne viens jamais, ce qui me rend triste et maussade. Je crois que tu ne m’aimes plus. Je compare ton empressement passé avec ton indifférence présente et mes doutes se changent en conviction. Tu me disais cette nuit que j’étais bien calme et bien résignée en parlant de cela mais, mon ami, contre l’amour qui s’éteint, il ne peut y avoir que du désespoir et de la résignation. On ne souffle pas sur la cendre. Je n’ai même pas de jalousie éveillée dans ce moment-ci, je suis triste dans l’âme et voilà tout…
Je t’aime, mon Toto. Il fait un temps hideux ce matin, d’autant plus hideux que la moitié de ma maison est sans portes et sans fenêtres. L’humidité du plâtre frais joint à cela rend mon logement presque inhabitable car l’humidité gagne jusque dans mon cabinet de toilettea. Au reste, ceci m’est fort égal et je n’en peste que pour dire quelque chose qui ne soit pas du rabâchage continuel. Jour, mon petit Toto. Bonjour, mon petit o. Si vous étiez venu ce matin je serais GEAIE et je croirais que vous m’aimez, vous voyez donc bien que ce n’est pas ma faute mais la vôtre si je suis bête et malheureuse. Baisez-moi ; d’ici cela ne peut pas vous déranger ni vous fatiguer beaucoup, aussi rebaisez-moi encore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16339, f. 11-12
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette
a) « toilettette ».