12 septembre [1836], lundi après-midi, 4 h.
Depuis que vous êtes parti, mon cher petit homme, je n’ai pas fait autre chose que de nettoyera les divers petits flambeaux de ma maison ainsi que ma petite veilleuse. Je ne suis ni débarbouillée ni habillée. Ça vous est égal je penseb puisque vous ne m’aimez plus et que vous n’êtes même pas à Paris, ce que je crois. Je me suis cependant précautionnée d’un poulet dans le cas où par impossible vous ne seriez point parti à Fourqueux. Je crains bien d’en être pour mes frais d’approvisionnement.
On est venu m’apporter l’huilec, j’attends encore la lampe qui va arriver à ce que m’a dit le commissionnaire. C’est bien dommage qu’une aussi belle lampe n’éclaire pas pour la première fois votre charmante figure. Peut-être est-ce un procédé de votre part envers l’inventeur Carcel [1]. Vous n’avez pas voulu que l’éclat de vos beaux yeux fît éteignoir sur ladite lumière à mèches. Vous avez bien fait pour le marchand, vous avez mal fait pour moi qui n’illumine mon âme qu’à vos rayons. Car vous avez la flamme et moi le feu. Vous avez le génie et moi l’amour. Vous éblouissez tout le monde et moi je brûle pour vous seulement.
J.
BnF, Mss, NAF 16327, f. 312-313
Transcription de Nicole Savy
a) « netoyer ».
b) « que je pense ».
c) « huille ».
12 septembre [1836], lundi soir, 7 h. ½
Mon cher petit homme je ne voulais vous écrire qu’à la lueur de la fameuse lampe, c’est ce qui est cause que je vous écrisa si tard. On vient de me l’apporter seulement, et le premier chef-d’œuvre que j’ai fait a été de casser le second verre. Il est vrai que ce n’est pas tout à fait ma faute.
Cher bien-aimé je vous remercie de m’avoir donné cette lampe. C’est-à-dire que je te remercie pour la vie entière que tu me donnes, depuis l’existence jusqu’à la vie, depuis le pain jusqu’à l’amour. Va mon cher petit homme si je ne t’exprime pas plus souvent ma reconnaissance c’est parce que je crains de te fatiguer à le faire. Mais pas une seule parcelle de ce que tu fais pour moi n’échappe à mon amour.
La lampe éclaire à ravir. Mais il y manque cependant quelque chose pour qu’elle soit pour moi la lampe merveilleuse. C’est de me transporter ou de vous transporter auprès deb moi ou moi auprès de vous.
Puisque vous êtes décidément à Fourqueux, tâchez de faire essayer la robe à notre petite religieuse afinc que nous sachions si nous avons ou non réussi dans nos intentions de coquetterie [2]. Ceci fait prenez LE COUCOU [3] et revenez vers moi, qui me morfondsd à vous attendre. Je vous baiserai bien pour la peine.
J.
BnF, Mss, NAF 16327, f. 314-315
Transcription de Nicole Savy
a) « écrit ».
b) « auprès de » répété par inadvertance en haut de la page suivante.
c) « à fin ».
d) « morfond ».