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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 mars 1840

17 mars [1840], mardi après-midi, 1 h. ½

Bonjour mon cher petit bien-aimé adoré, bonjour ma vie, bonjour ma joie, bonjour mon adoré Toto. Comment vont tes chers beaux yeux ce matin ? Méchant, vous n’êtes pas venu, et sous quel prétexte encore, ça n’est pas généreux ! Il est vrai que j’aurais été une femme bonne à tout faire que vous n’en seriez pas venu davantage, c’est ce qui me console ou plutôt ce qui me désole, enfin ça ne vous empêche pas d’être le plus ravissant petit homme qui soit au monde. Voici Résisieux qui m’annonce la marchande de coupons, nous verrons s’il y a lieu à faire des bons marchés, en attendant je continue mon gribouillis et je vous dis tout ce que j’ai sur le cœur, d’abord : UNE MONTAGNE d’amour plus un torrent de tisanea qui me ravage le corps. Voici que je viens d’acheterb de quoi faire cinq magnifiques serviettes de près d’une aune de hauteur en beau damassé pour 8 F., ma foi l’occasion était trop belle et trop bonne pour y résister et nous avons d’ailleursc un trop grand besoin de linge et malgré notre pauvreté je me suis laissée tenter Il y avait bien aussi des mouchoirs de grosse batiste mais je n’avais pas d’argent et puis je craignais que tu grondasses et je me suis arrêtée tout court. Baisez-moi mon pauvre amour, baisez-moi mon adoré, je vous aime qu’on vous dit. Baisez-moi. Il fait bien beau aujourd’hui, voime, voime, mais ce ne sera pas pour mon fichu nez. Eh bien je vous aime tout de même et je vous SURVEILLE.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 278-279
Transcription de Chantal Brière

a) « tisanne ».
b) « acher ».
c) « d’ailleur ».


17 mars [1840], mardi soir, 8 h. ¾

J’ai enfin dînéa, mon Toto, en compagnie de Résisieux et avec l’aide de ses augustes parentsb car je n’avais pas de vin et je ne voulais pas descendre à la cave. Bref je me suis décidée à aller emprunter une bouteille de vin à Mme Besancenot et bien m’en a pris car je crevais de soif ; de plus cela m’a valu la présence de Résisieux qui n’est point à dédaigner par le temps de solitude et de mystification qui court. Je suis furieuse contre cette affreuse Pierceautte [1] qui fait un tas de simagrées et qui est aussi ridicule qu’elle est absurde. Il est impossible de voir une femme plus blafarde au physiquec et au moral et je ne trouve rien de plus ressemblant et de plus applicable que l’épithète de : DORT EN CHIANT que je n’applique qu’à bon escient. J’aime mieux ma pauvre Résisieux qui écrit à côté de moi et qui dit : d, d accent gu, d. pi, i, i, t, i, o, n, t. Ceci au moins est naïf et ne cherche pas à faire de l’effet. Quant à vous, mon amour, je vous aime de toute mon âme. Je ne vous ai jamais plus ni mieux aimé, je vous adore. Tu es mon pauvre petit homme que j’aime et que j’adore. Je voudrais baiser tes pieds, tu es mon pauvre bien-aimé, bon, doux, noble, généreux et ravissant. Je t’aime à genoux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 280-281
Transcription de Chantal Brière

a) « dîner »
b) « parens ».
c) « phisique ».

Notes

[1Jeu de mots réunissant Pierceau et sotte.

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