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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 28 octobre 1852, jeudi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, avec accompagnement des cris du petit Charles [1] qui a déjà fait invasion dans ma chambre avec son marteau dont il joue à tour de bras, bonjour avec l’espérance d’une plus belle journée aujourd’hui dans le ciel et d’un peu plus de bonheur pour moi dans le logis qu’hier car tu n’auras probablement pas de réunion tantôt. Car il ne me suffit pas que l’canapé roule [2] pour être heureuse, il me faut encore autre chose à mettre dans ma boule et dans mon cœur sinona je ne suis pas contente et je m’embête horriblement. Voilà mon refrain à moi, il n’est peut-être pas aussi académique que le vôtre mais il est aussi nature dans le fond. Comment vas-tu, mon pauvre petit homme ? Est-ce que tu te ressens encore de ta douleur de cœur ? À mon tour de te conseiller l’hydrothérapie et l’abstinence de café et de thé. Ce n’est pas que je croie beaucoup à l’efficacité du remède et du régime. Je crois que la chaleur et l’absence d’humidité sont les seules vraies panacées de ce genre d’affection et c’est justement ce qui nous a manqué depuis plusieurs années à Paris, en Belgique et à Jersey. Le moyen de se garantir de l’humidité et de suppléer au soleil ne consiste pas dans ce fameux remède inventé par Gribouille de se fourrer dans l’eau peur de l’humidité. J’aime mieux pour ma part et j’ai plus confiance dans des couvertures bien chaudes que dans les serviettes les plus glacées. Telle est mon opinion diafoirique [3]. Faites-en ce que vous voudrez.

Juliette.

BnF, Mss, NAF 16372, f. 103-104
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « si non ».


Jersey, 28 octobre 1852, jeudi matin, 10 h. ½

Je voudrais, mon cher petit bien-aimé, que tu décidasses s’il faut faire venir tes ustensiles de dessin en même temps que le linge qui est resté à Paris et que je compte faire venir, trouvant qu’il est encore plus économique d’en payer le port que d’acheter du neuf ici. En même temps je m’informerai en quoi M. Fleury-Hérard [4] et la personne qui est à Paris peuvent m’intéresser, maintenant que tu sembles connaître de nom ce personnage mystérieux. Cela intéresse ma curiosité qui, jusqu’à présent, ne s’en était pas autrement émue, pensant que c’était une commission pour Mme Luthereau que la mère Lanvin m’attribuait par erreur. Il serait vraiment drôle que nous fussions l’âme d’un complot sans nous en douter et que je renversasse M. Bonaparte à l’aide seule du pseudonyme Fleury-Hérard. C’est que j’en suis fort capable avec mon petit air de Juju nitouche. En attendant je ne serais pas fâchée de savoir à quel Cayenne je cours et ce qu’il y a de machines infernales sous ces douze lettres Fleury-Hérard, priant Dieu que ce canard énigmatique ne soit pas une cocotte trop avérée. Voime, voime, affreux Toto, tâchez de rappeler vos souvenirs pour savoir à quel sexe vous devez rapporter ce nom amphibologique.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 105-106
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1À élucider.

[2Allusion à un refrain connu.

[3« Le Malade Imaginaire, dernière pièce dans laquelle [Juliette] ait joué, fin novembre 1833, lui inspire les néologismes « purgonnades », « purgonneries », « diafoiriques », etc… pour stigmatiser le charlatanisme médical. » (Florence Naugrette, « Le théâtre dans les lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo », communication au Groupe Hugo, 24 janvier 2015.)

[4S’agit-il du banquier Paul Fleury-Hérard ?

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